Malgré un casting cinq étoiles et un grand-maître à l’écriture, on n’attendait pas grand-chose du nouveau Guillaume Canet. Remake des Liens du sang de Jacques Maillot, son Blood Ties est une tentative avouée d’ « américaniser » cette balourde tragédie familiale à la frontière du law et de l’outlaw. Dans les faits, le film se concentre sur trois choses : faire polar, faire new-yorkais, faire seventies. Tout le New York du cinéma des années 1970 est donc là, reconduit à l’identique, comme plaqué par décalcomanie : métropole grisâtre, pieds nickelés à rouflaquettes, Pontiac chromés, image granuleuse, BO ad hoc, dialogues in English. Le hic, c’est que sa besogne de copiste exécutée, cette mise en scène strictement accessoiriste ne semble disposer ni des capacités ni de l’envie d’investir le territoire de sa fiction. Au fil mou et relâché de ce téléfilm vintage, saute alors aux yeux le non-style absolu du réalisateur, cette espèce de regard courtois, plat, strictement centripète, se satisfaisant toujours de ce qu’il a devant lui et ne cherchant rien d’autre.
En vérité, c’est comme si ce cinéma s’empêchait toute conscience ou arrière-pensée. Volontariste et appliqué, Canet ne sait donner que le-meilleur-de-lui-même. Chacune de ses scènes s’offre dès lors sans ambiguïté, brique narrative interchangeable qui participe d’une construction en mosaïque patiente mais faussement ambitieuse, incapable surtout de compenser son manque d’orientation formelle majeure. Si l’on fait remarquer cette carence en épaisseur, c’est parce que paradoxalement celle-ci sauve ce polar sous cellophane du désastre, évite à chaque instant qu’il se vautre dans la caricature et la satisfaction crasse de certains de ses prédécesseurs frenchies (au hasard : Florent Emilio Siri et son piteux Otage).
Quoique insignifiant, le film n’est donc jamais vraiment insupportable. Sa faillite s’explique surtout par le manque d’allant de son récit. Emmêlé dans ses grosses ficelles, Blood Ties bande des muscles ramollis et s’ingénie à tendre un arc dramatique usé jusqu’à la corde. En filigrane de son marketing de drame urbain, le film se réduit ainsi à un laborieux duel d’amabilité cachée entre Billy Crudup (the good) et Clive Owen (the bad), sorte de jeu de barbichette fraternel où le premier qui laissera tomber l’autre aura une tapette. Exécuté avec soin, taillé pour le succès, l’ensemble dégage l’odeur suspecte d’un navet à qui tout a pourtant été accordé pour réussir. À ce propos, on n’est pas certain de vouloir approfondir ce qui a conduit James Gray à se compromettre dans pareille entreprise taxidermique.