Alors que Bumblebee vient de sauver la Terre des dangereux Decepticons, l’agent Burns (John Cena) lui adresse le salut militaire, ce à quoi le robot répond en levant le poing vers le ciel. Plus tôt dans le film, ce dernier a en effet visionné Breakfast Club de John Hughes, où un personnage y lève justement le poing en signe d’insoumission. Ce champ-contrechamp ponctue la scène d’action finale et apparaît comme l’illustration d’une tension entre les deux tempéraments contradictoires qui travaillent le film : son versant guerrier et SF, lié à l’identité des Transformers de Michael Bay (dont Bumblebee est un spin-off se déroulant trente ans plus tôt), et un penchant plus léger, inspiré du teen movie et du cinéma des années 1980.
L’articulation entre les deux premières séquences rend compte de l’incapacité de Travis Knight à marier ces deux dimensions. Leur enchaînement donne le sentiment de suivre deux films montés en parallèle mais qui ne se rencontrent jamais. Se succèdent ainsi une séquence de guerre planétaire opposant les deux factions de la race des Transformers, puis une scène triviale sur Terre où des militaires s’entraînent nonchalamment dans une forêt. Or, le film procède moins de ruptures de ton successives qu’il n’avance via un montage n’entrelaçant guère les deux pans du film. C’est que le récit procède d’emblée à une refonte de l’identité de son personnage principal : Bumblebee, présenté comme un guerrier vaillant et serviable dans la première séquence, régresse au stade primitif à la suite d’une perte de mémoire. Dès lors, le personnage devient un petit animal apeuré, qui se laisse peu à peu apprivoiser au contact de Charlie (Hailee Steinfeld), une adolescente taciturne qui a perdu son père.
Alors que le « petit bourdon » aurait pu incarner le trait d’union entre ces deux intrigues, le cinéaste opte plutôt pour un retour à l’enfance et aux années 1980. Pour le meilleur, cela donne quelques séquences burlesques réussies, notamment quand Bumblebee détruit, sans le vouloir, l’intégralité d’un salon, ou lorsqu’il se recroqueville maladroitement pour épouser les contours du garage dans lequel il se cache sous les traits d’une Coccinelle. Pour le pire, le film prend la forme d’une succession de stéréotypes et de signes ostentatoires (d’E.T. à Christine) qui renvoient à la décennie des Smiths, le groupe préféré de Charlie. Ce n’est pas anodin si Bumblebee, dont le synthétiseur vocal est arraché, apprend à communiquer en samplant des titres de la radio, ce qui le ramène à son statut de figurine tout en faisant de lui la voix des années 1980. Le film peine toutefois à se départir du gigantisme des enjeux des films de Michael Bay, l’empêchant d’embrasser pleinement son horizon enfantin. Il est alors logique que le film soit si peu inspiré lorsqu’il s’agit de filmer des scènes d’action, là où les Transformers avait pour singularité la frénésie de leur montage. En dépit de sa légèreté, Bumblebee échoue à articuler les tonalités trop souvent contradictoires qui le composent.