Le nouveau film de Michael Bay est le fruit de sa première collaboration avec Steven Spielberg, à la croisée de deux cinémas qui n’ont en commun que leur seule popularité. Une fois de plus c’est par la démesure que le cinéaste se démarque. Démesure de son budget et, intimement liée, démesure de ses Transformers, véritables prouesses numériques au sein d’un monde lilliputien à leurs yeux. Les inévitables tics de mise en scène sont omniprésents, le scénario est aussi mince qu’une feuille de papier. Nous sommes bien dans un film signé Michael Bay. Mais la qualité des images de synthèse (les robots marquent une nouvelle étape dans les effets spéciaux) et la vie organique qui semble habiter ces Transformers, les rendant à la fois humains et inaccessibles, qualité propre aux dieux, semblent presque à leur insu singulariser le film face aux autres productions du cinéaste…
Ayant depuis longtemps assis sa position à Hollywood, Bay peut mettre en chantier à peu près n’importe quel projet. S’il a en plus le soutien de Spielberg, les fonds sont quasi illimités. Après The Island, Bad Boys, Armageddon, Pearl Harbor ou encore Rock, c’est aux Transformers que le roi d’Hollywood s’attaque.
Ce qui n’était à la base que des jouets produits par la société Hasbro a fasciné plus d’un petit garçon dans les années 1980 : des voitures qui peuvent se transformer en robots de combat. Après avoir donné naissance à une série animée puis à un long métrage d’animation dans la mouvance de GI Joe et autres Mask, dans les années 1980, les fans les plus pointus attendaient depuis longtemps une adaptation, en images réelles, des aventures de leurs « héros » préférés, les Transformers.
L’un des paris les plus fous du film était donc de faire coexister, cohabiter dans un même plan la matière irréelle d’un personnage titanesque et le rendre sympathique face à un acteur à taille humaine, d’autant plus « humain » puisqu’il s’agit du chétif Shia Labeouf. Le jeune acteur transmet une énergie dans tous les films dans lesquels il apparaît de manière assez fascinante. Il pèse ici de toute sa dynamique gestuelle burlesque maladroite sur tout le film, écho à la vitesse de transformation des robots et à leur incroyable capacité à se mouvoir dans un espace a priori incapable de les accueillir. Les êtres de métal peuvent faire du roller sur l’autoroute, voler, rouler, bondir, ils sont omnipotents. Chaque partie des robots a été dessinée par une équipe différente comme étant une partie dynamique d’un tout. Et on se surprend à trouver un regard triste ou enjoué dans un dessin…
Passée cette claque visuelle, emportée dans un tourbillon d’action tonitruante, c’est la structure du récit qui frappe par sa bêtise. Le scénario semble complètement avoir échappé aux grosses pointures entourant Michael Bay et le montage parallèle, vie minable d’un ado et conséquences mondiales (ou plutôt étasuniennes) d’une invasion, ne fonctionne pas du tout. Ce qui fit la réputation du cinéaste, les scènes d’action, ne semble plus être qu’une simple répétition de ses films précédents. Piochant dans Les Ailes de l’enfer, Armageddon ou encore Bad Boys, certains plans sont quasi identiques, notamment les ralentis des plus insupportables qui n’apportent ni sens ni émotion. De plus, lors de certains combats, la caméra semble un peu perdue et l’on peine à suivre l’action tant les effets spéciaux semblent finalement dépasser les capacités de la rétine humaine.
On arrive à une différence d’avancée entre la technologie de captation et celle de la création. C’est ce qui fait la force et la faiblesse du cinéaste. Il est parfaitement intégré dans un système rôdé qui a déjà fait ses preuves grâce à de nombreux succès au box office (Pearl Harbor, Armageddon…) et parvient à créer n’importe quel univers pour en faire à peu près le même film à deux ou trois virgules près. La création d’êtres fantastiques, véritable « valeur ajoutée », pour rester dans l’enjeu économique, le premier du film, est cependant une petite révolution, comme le fut Jurassic Park en son temps. Le matériau de base était immense, mais Bay reste fidèle à sa marque de fabrique, ce qu’on ne peut que regretter et peut-être même un peu lui reprocher, car il s’oppose ainsi à l’une des caractéristiques premières de l’Art (ou du cinéma ?) : celle de créer.