« Les règles ont changé » nous promet la tagline de ce quatrième épisode de la franchise Transformers, toujours réalisé par l’inévitable Michael Bay. « Vraiment ? » serait-t-on tentés de répondre. Après tout, Transformers : l’Âge de l’extinction n’est qu’un énième destruction porn de plus découpé à la truelle (mais qui, à l’instar de Transformers 3, se révèle moins épileptique que prévu), d’une longueur déraisonnable au regard de ses intentions (2h40 !), où les nombreux ennemis, sans relief et interchangeables, ne sont que prétextes à une débauche de batailles abrutissantes. Pourtant, Transformers 4, comme ses prédécesseurs, se distingue néanmoins du tout-venant du cinéma d’action, tant la franchise incarne à son paroxysme les pires traits du blockbuster contemporain – machine à produits dérivés (les films sont « inspirés » des figurines Hasbro et de leur univers), pompiérisme maquillé en souffle épique, montage sur-vitaminé – tout en s’affirmant comme le laboratoire d’une forme académique. Car la franchise Transformers n’est pas seulement l’illustration la plus emblématique d’une esthétique aujourd’hui souveraine, mais aussi l’un de ses prototypes les plus personnels et inventifs, bien que décérébré.
Une lueur d’étrangeté
L’Âge de l’extinction, c’est là son intérêt, représente une étape de plus dans l’affirmation du style de Bay en cela qu’il exacerbe sa part la plus difforme. Le plus curieux dans ce nouveau volet des aventures des Autobots réside ainsi dans la première heure du film, où les mastodontes mécaniques sont soigneusement écartés, pour laisser le récit se concentrer sur la famille du héros, interprété par Mark Wahlberg (qui depuis Phénomènes excelle dans ce rôle comique de figure alpha légèrement abrutie). Au cours de cette longue mise en place, où apparaissent quelques prémisses des batailles à venir, la mise en scène de Michael Bay – assez intrigante, concédons-le – multiplie cadrages obliques et points de vus incongrus pour donner corps à cette matière intime dénuée de spectaculaire. Par son mauvais goût indécrottable (entre les couchers de soleil dégoulinants et les cadrages graveleux qui mettent en valeur la plastique avantageuse des personnages féminins), combiné à cette exubérance formelle, à la limite de l’abstraction, le film ouvre une brèche d’étrangeté au sein de ce gros morceau de pyrotechnie. Transformers 4 démarre ainsi comme une série B à la lisière du Z, relativement exaltante car constamment dans une recherche d’émulation. Hélas, dès que les robots débarquent, la nullité du programme (peut-on assister avec sérieux à ces dialogues entre jouets géants aux voix ridiculement caverneuses ? Sur ce point, le film est encore plus navrant que les précédents), et la pauvreté du découpage de Bay, achèvent de transformer le tout en une tambouille indigeste. On est surpris par l’ampleur déployée par le cinéaste, qui étire les séquences et la matière narrative, mais pourtant fait preuve d’une incapacité à filmer avec cohérence les scènes d’actions, parsemées de béances hallucinantes (des personnages se rendent d’un endroit à l’autre en l’espace de quelques minutes, sans trop que l’on sache comment, des éléments disparaissent et réapparaissent entre deux coupes, etc.). Pire, le film se révèle assez douteux dans ce qu’il charrie : machiste, un tantinet fasciste (comme beaucoup de films de super-héros), et surtout très réac (la morale du film ? Le revirement d’un inventeur qui concède finalement que « certaines choses feraient mieux de n’avoir jamais été inventées »), Transformers 4 entérine la bêtise d’un cinéaste qui donne le bâton pour se faire battre.
Voilà au fond le problème de Bay : le réalisateur de Pearl Harbor pourrait n’être qu’un modeste expérimentateur de série B, au mauvais goût joyeusement régressif, si la démesure des moyens accordés à sa puérile entreprise et sa vision du monde, frelatée, ne parasitaient l’horizon foutraque de son cinéma.