En 1985, Tom Holland réalisait Fright Night – plus connu en France sous le titre Vampire, vous avez dit vampire ? –, une petite série B sympathique, qui, bien qu’imparfaite, comprend un grand nombre d’idées réjouissantes, notamment sur la réactualisation du film de vampire. Devenue culte depuis, il n’en fallait pas plus pour que des producteurs sentent le bon coup à jouer en cette période de remake à tout va. Réalisé par Craig Gillespie (Une fiancée pas comme les autres) et interprété par Colin Farrell, Fright Night 2011 fait malheureusement peine à voir. Semblant avoir été scénarisé et produit à la va-vite, cette version présente toutes les tares du projet opportuniste destiné à engranger facilement quelques dollars.
Fright Night, l’original, semble représentatif d’une époque, celle où des cinéastes comme Spielberg et Robert Zemeckis construisaient leurs films autour de thèmes liés à l’enfance et à l’adolescence. E.T., Retour vers le futur ou Les Goonies traitent du passage à l’âge adulte mais aussi du profond ennui des teenagers américains coincés dans des banlieues uniformisées ; leur imagination apparaît comme leur seule porte de sortie. À travers l’histoire de Charley Brewster, un jeune passionné d’horreur, vivant avec sa mère dans une petite ville résidentielle, la série B «pop-corn» de Tom Holland représente le pendant horrifique de ces productions des années 1980. La rencontre entre Charley et son nouveau voisin, Jerry Dandridge, qui n’est autre qu’un vampire des plus coriaces, va mettre un peu de piment dans sa vie de banlieusard et le rendre plus adulte. Fright Night, malgré ses faiblesses, consiste aussi en une réactualisation amusante du film de vampire : Holland joue constamment sur la réflexivité grâce à Peter Vincent (Roddy McDowall), un personnage de vieil animateur télé qui s’improvise chasseur de démons ; semblant tout droit sorti des productions de la Hammer, il incarne le lien entre les classiques et leur modernisation. Le comparer à sa version 2011 – interprété par le cabotin David Tennant –, une sorte de magicien au look rock grand-guignolesque, porté sur l’alcool et abusant des blagues vaseuses, permet de mieux comprendre l’esprit du projet de Craig Gillespie et de ses producteurs : livrer un produit d’entertainment sans âme, qui fait table rase des éléments les plus intéressants de l’original pour se concentrer uniquement sur l’action, l’humour potache et le fantastique pour spectateurs prépubères.
Si le métrage de Tom Holland se fonde sur la découverte progressive de l’identité du voisin suceur de sang et sur les failles de ses jeunes protagonistes, son remake rentre dans le vif du sujet sans préliminaires et sans aucune finesse. Toute la psychologie des personnages s’efface au profit de scènes choc s’enchaînant mécaniquement, ce qui provoque un manque d’empathie terrifiant. Si cette approche permet au film de s’émanciper de l’œuvre première, en dégageant une vision autre – c’est la moindre des choses –, le manque de charisme et le jeu très limité de ses interprètes, son scénario bâclé – truffé de raccourcis simplistes – et son esthétique banale – qui s’inspire largement des productions horrifiques pour kids actuelles –, annihilent toute sa portée jouissive. Oublié le Jerry Dandrige dandy à tendance bisexuelle, incarné par Chris Sarandon en 1985 : Colin Farrell, qui est dans une mauvaise passe artistique depuis deux ans, apparaît d’emblée comme le bourrin de service, hétéro tout-puissant, qui, après avoir mordu une victime, boit une bonne bière affalé sur son canapé devant l’émission des sœurs Kardashian. Cette scène synthétise parfaitement le vide sidéral habitant ce remake. L’acteur irlandais, qui n’a jamais été aussi insipide – triste à voir, quand on connaît son réel talent – ressemble à un clone bodybuildé et sexualisé des personnages fades de Twilight. Cette série est d’ailleurs la seule référence citée – outre une copie pure et simple de la fameuse séquence de poursuite automobile de La Guerre des mondes de Spielberg : les années passent et l’imagination ainsi que la culture cinématographique d’un grand nombre de scénaristes et de producteurs hollywoodiens s’amenuisent comme le prouve leur appétit insatiable pour le remake et le reboot de tout et n’importe quoi.
Fright Night ratisse large : il n’est qu’un petit projet marketing, cherchant à draguer grossièrement les fans de la première heure et les adolescents bercés par les images aseptisées de la majorité des productions fantastiques contemporaines. Fondée sur des images numériques envahissantes et sur une 3D inutile – comme souvent –, cette mécanique malhonnête veut nous faire croire qu’elle rend hommage à un film, dont elle n’a pourtant rien compris. Une véritable escroquerie.