Trois ans après À couteaux tirés, Glass Onion se présente comme le deuxième volet d’une trilogie dans laquelle Rian Johnson entend se réapproprier les codes du whodunit à la Agatha Christie. Le détective Benoît Blanc (Daniel Craig) s’y retrouve une nouvelle fois confronté à un groupe de personnages qui ont toutes les raisons du monde de se détester et à l’intérieur duquel se cache un meurtrier. Cette nouvelle réunion macabre est organisée par Miles Bron (Edward Norton), un éternel adolescent ayant fait fortune dans les hautes technologies, et à travers lequel Johnson semble vouloir caricaturer lourdement la figure d’Elon Musk. Bron invite sa vieille bande d’amis, qui s’est peu à peu déchirée suite à son ascension foudroyante, à passer un weekend sur son île privée pour une « murder party » – un jeu de rôle autour d’un meurtre fictif, qui laissera toutefois rapidement place, comme attendu, à un réel assassinat.
Mais le carcan du whodunit est en vérité un leurre, une suite de fausses couches (l’oignon) qui recouvre un cœur transparent (le verre) : Glass Onion repose moins sur une enquête élaborée qu’il ne déploie une satire où règne une ironie permanente – en témoignent les caméos parfaitement gratuits (Ethan Hawke, Hugh Grant, Kareem Abdul-Jabbar, Nathasha Lyonne, Serena Williams et même la voix de Joseph Gordon-Levitt) suscitant surtout l’impression d’assister à une longue private joke désabusée. De même que dans le premier À couteaux tirés, Johnson double son récit d’un apologue mollement progressiste consistant à faire tomber les masques des dominants en même temps que ceux des coupables. La cible n’est plus la xénophobie latente de la bourgeoisie états-unienne, mais l’immaturité de nouveaux riches opportunistes qui ne connaissent que les liens glacés du calcul d’intérêt. Johnson affuble alors ces personnages des oripeaux les plus superficiels de l’époque – cf. Duke Cody (Dave Bautista), un influenceur masculiniste officiant sur Twitch, ou Birdie Jay (Kate Hudson), une ancienne icône de la mode qui enchaîne les dérapages racistes sur Twitter. Le tableau au vitriol s’accompagne surtout d’un ton parfaitement régressif : en se cantonnant à l’invective psychologisante et individualiste contre la bêtise des riches, elle ne peut que donner lieu, dans la dernière scène, à une revanche ad hominem et superficielle, prenant la forme d’un jeu de destruction aussi puéril que le comportement de ceux qu’elle critique.