Présenté dans la sélection Forum après son passage à Sundance, Golden Exits est l’un des rares films américains de cette Berlinale. Alex Ross Perry (Listen Up Philip, Queen of Earth) y poursuit son travail d’étude des relations de couple empoisonnées en auscultant l’effet de l’arrivée de Naomi, une jeune Australienne (Emily Browning), sur les désirs d’hommes mariés. Employée comme assistante par Nick (Adam Horowitz) pour l’accompagner dans son travail de classement des archives d’un écrivain décédé, partageant au quotidien son petit espace de travail, elle le séduit avec une innocence malicieuse, par des regards sensuels et des mouvements de cheveux, sans donner suite à ses avances. Son existence avive la jalousie instinctive de la femme de Nick, incarnée par Chloë Sevigny, que Nick désamorce par des explications hypocrites. En parallèle, Naomi est invitée à sortir par Buddy (Jason Schwartzman) qui croit là rendre un service à une amie de sa mère. L’habileté avec laquelle Naomi le séduit laisse le spectateur pantois face au dilemme que représente la tentation évidente d’une jeune femme plutôt amène.
Jouer avec le feu
Dans un cinéma évoquant celui d’Éric Rohmer et de Woody Allen, au dispositif d’apparence très simple monté autour d’une étude de mœurs, Ross Perry étudie les contradictions de ses personnages lors d’une succession de longues conversations révélatrices de la lâcheté, de l’égoïsme et de la duplicité des hommes et des rapports de forces au sein des couples. Le mensonge est en germe, visible dans la manière dont Buddy présente avec mauvaise foi sa sortie avec Naomi comme une rendez-vous de travail – au lieu de passer la soirée avec sa femme (Analeigh Tipton, vue chez Whit Stillman dans Damsels in Distress). Articulé autour d’un scénario amer et nuancé, Golden Exitsdéconstruit la petite mécanique de l’infidélité phase après phase : séduction passive, tolérée et même recherchée, tentation concrète et cristallisation du désir, déception ou renoncement. Il épouse son sujet en appuyant les plans sur le visage de Naomi, et en calant le cadre de manière à laisser percevoir ses effet sur les hommes qu’elle rencontre sans perdre l’effet qu’elle aurait sur le spectateur même.
Opération transparence
La mise en scène de Perry révèle la duplicité de ses personnages, mais n’empêche pas l’identification à ces hommes trompeurs comme à leurs femmes. Le montage du film décale constamment le point de vue et fait apparaître les effets de mimétisme social (l’excitation des amis de Nick l’encourage à passer à l’acte, l’amertume existentielle du personnage joué par Mary-Louise Parker encourage Naomi dans la joie de sa jeunesse), le jeu du masque amoureux, la mauvaise foi et les arrangements de discours. Comme dans Queen of Earth, l’atmosphère musicale discordante souligne l’égarement mental des personnages et le brouillage des limites sentimentales. La labilité des eaux lacustres du précédent film est remplacée ici par le mouvement de l’espace urbain new-yorkais et le passage des saisons, qui fait de Golden Exits l’expression d’une profonde et douloureuse mélancolie amoureuse.