Après Abraham Lincoln : chasseur de vampires (et plus récemment encore Tueur de zombies), on pouvait tout attendre de la formule « figure connue contre créatures ». Alors bon, que Hansel et Gretel, après une première rencontre peu engageante, se mettent dans l’idée de dessouder des sorcières à la chaîne, pourquoi pas ? Avec cet argument de départ presque pas totalement stupide (mais pas loin, hein), le film tient donc la route, même s’il se moque manifestement de son potentiel réel.
« 100 % fun, 100 % gun » – ça, c’est un chouette slogan ! Pas de chance, l’affiche qui plastronne fièrement avec cette attractive devise montre également l’héroïne, Gretel donc, tenant à pleines mains une impressionnante arbalète. Il aurait fallu écrire : « 50 % crossbow, 50 % gun, 100 % fun ». Forcément, ç’eût été moins efficace, d’autant que si on établit un ratio gun/arbalète/lance/fourche/couteau à huîtres pour l’arsenal utilisé dans le film, on se lance dans des calculs compliqués, du genre à donner mal à la tête aux pubeux responsables de la comm’ du film. Vu la laideur de l’affiche qu’ils ont concoctée en étant en pleine forme, mieux vaut certainement ne pas les embêter. Une affiche hideuse, un slogan crétin : voilà pour annoncer un film qui a du potentiel, et qui le gâche joyeusement.
Parce qu’il faut bien admettre que, passé le prologue attendu (le conte originel), le film met efficacement en place son paradigme (notamment lors d’une séquence qui ne manquera pas de réjouir les amateurs de Monty Python Sacré Graal). Faisant l’impasse sur ses personnages principaux, ravalés au rang de prétexte (excepté peut-être quand il s’agit de filer à Hansel un diabète post orgie-dans-une-maison-en-sucre plutôt rigolo), le scénario est plutôt direct et efficace dans sa création d’un univers d’heroic-fantasy. Pour autant, les questionnements baroques et érudits de Terry Gilliam (dans Les Frères Grimm, Fisher King ou Tideland) ou les réappropriations récentes assez folles (les versions de Blanche-Neige qui castagne férocement, sise dans un univers visuel surtravaillé ou torera sous un œil aux accents de Browning) sont bien loin.
Le monde de Hansel et Gretel est donc efficace, mais lisse, sans personnalité : « 100 % fun », quoi. Pourtant, dans sa connaissance manifeste du sujet, on distingue un potentiel certain – un potentiel inexploité. Le film évoque les OAV issus des séries animées asiatiques : un traitement en 90 minutes d’une série courant sur 6 à 13 heures. L’opposition magie noire/magie blanche, le bestiaire, les personnages secondaires, la structure même du scénario (douze enlèvements d’enfants, qui auraient aussi pu être douze épisodes) – tout appelle un traitement long, et renforce l’impression de superficialité du film. Tout cela est desservi par une direction artistique calamiteuse, grâce à laquelle le film ressemble à un festival de musiciennes de black metal dont les membres auraient une dent contre leurs voisins folk-singers tendance New Age.
Le réalisateur Tommy Wirkola, auquel on doit par ailleurs le très surestimé Dead Snow, a à cœur de procurer une mise en scène fonctionnelle – il s’agit de servir les effets 3D, et de ne pas se mouiller le reste du temps. Également scénariste, il met sa connaissance du sujet à contribution pour ne pas le fouiller le moins du monde. Jeremy Renner et Gemma Atherton débitent leur texte, les deux sorcières antagonistes cabotinent avec constance – en somme, personne ne semble vraiment concerné. Conséquemment, il est ardemment conseillé au spectateur d’en faire autant.