Léa, jeune fille fine et débrouillarde, se retrouve seule avec son père (Jean-François Stévenin) dans leur grande maison limousine, après le départ de sa mère. S’apprivoisant petit à petit, le père et la fille construisent une relation presque exclusive, dont la force s’insinue dans tous les gestes du quotidien. Malheureusement, René Féret ne parvient pas à transposer cette histoire en un objet cinématographique : Il a suffi que maman s’en aille s’apparente plutôt à un film de vacances.
Étranges liens que ceux entre un père et sa fille, étrange découverte que l’amour qui peut se tisser entre ces deux-là. Du haut de sa dizaine d’années, Léa (jouée par Marie Féret, la fille du réalisateur) a plutôt jusqu’à présent été proche de sa mère. Avec son père, trop absent, trop accaparé par son travail, peu d’intimité. Aussi, lorsque le gros ours meneur d’hommes obtient la garde de sa fille après le départ de la mère, il se retrouve démuni devant cette gamine au physique de garçon manqué.
Avec cette histoire, René Féret, qui filme les hommes au plus près de leur quotidien et de leur région depuis plus de trente ans (Histoire de Paul, 1975 ; L’Enfant roi, 1981 ; Promenades d’été, 1992 ; Les Frères Gravet, 1995 ; L’Enfant du pays, 2002…) tente d’explorer les liens magiques et secret entre ces deux personnages, sans malheureusement réussir à nous intéresser, et qui plus est, avec une certaine paresse.
Certes, l’histoire d’amour entre un père et sa fille est un joli thème, mais ça ne suffit pas à faire un film. On attend d’une telle histoire non seulement qu’elle soit un peu travaillée par les outils cinématographiques, mais aussi et surtout, de la sincérité et de la justesse de la part des interprètes. Or, rien de tout cela dans Il a suffit que maman s’en aille. Les lumières, surtout celles d’intérieur, souvent glauques et plutôt froides, ne sont pas travaillées quand on attendrait une recherche autour de la douceur et du cocon qui se crée petit à petit entre les deux personnages. La musique appuie beaucoup trop, au lieu d’accompagner, l’avancement de l’histoire (Féret a pourtant convoqué Janacek, Haendel et Vivaldi) ; elle se fait parfois presque mièvre, puis devient inquiétante dès lors qu’un accident est proche.
Mais le problème essentiel de Il a suffi que maman s’en aille est plus grave : il semble que René Féret ne sait pas où poser sa caméra. Le réalisateur tente des plans au petit bonheur la chance, tel ce zoom grotesque sur le visage de Jean-François Stévenin sur un champ de courses. L’auteur aime aussi beaucoup filmer ses personnages derrières des feuillages, comme s’il ne savait pas comment construire son plan et qu’il prenait les éléments se présentant simplement devant lui. Les scènes tournées à Venise, entre autres, s’apparentent beaucoup trop aux rushes d’un film de vacances, plein de clichés (Venise sous la pluie, Venise ville des amoureux… on aimerait penser à Aznavour et son « Que c’est triste Venise ! », mais ça ne passe pas).
À cette mise en scène, molle et paresseuse, s’ajoute un scénario qui est lui aussi une succession de clichés et qui ne réserve aucune surprise. Les symboles eux-mêmes sont attendus, voire grotesques, telle l’histoire de ce cheval malade qui nous fait immanquablement penser à la maladie du père. Autre problème : les personnages sonnent faux. Le rôle tenu par Jean-François Stévenin étant maladroit et peu enclin aux effusions de sentiments, Stévenin joue, logiquement, la maladresse. Mais il parvient si peu à habiter le personnage que cette maladresse, au lieu d’être tendre et touchante, devient ennuyeuse. Stévenin réussit à être sincère dans une seule scène, où il pleure devant sa fille aînée en lui confiant la déchirure que serait la séparation d’avec sa cadette. Mais l’on se dit que c’est sans doute parce qu’il joue cette scène avec sa propre fille, Salomé Stévenin.
On pourrait voir dans Il a suffi que maman s’en aille… un film presque naturaliste, qui prend clairement le parti de retranscrire une histoire simple sans l’habiller d’artifices, et certains spectateurs y trouveront probablement leur compte. Hélas, tout est tellement ennuyeux que le film ne dépasse finalement pas le stade de l’anecdotique. Si, vers la fin du film, l’histoire et les personnages nous accrochent un peu plus, on se demande si ce n’est pas uniquement parce qu’on s’est habitué à eux.