Inupiluk de Sébastien Betbeder, court métrage nommé cette année aux César, se révèle être une comédie douce-amère, qui laisse un goût d’inachevé. Le film est empreint d’un certain désœuvrement, à travers les figures de deux trentenaires parisiens un peu paumés, et joue de ces archétypes en y introduisant un élément perturbateur qui va les amener à expérimenter à nouveau une joie de vivre dans la simplicité. Ce schéma de comédie est finalement bien connu, et joue sur un ressort comique assez éculé – le décalage culturel (nos deux trentenaires reçoivent en France deux Inuits dont ils ne connaissent ni la langue, ni les coutumes). Inupiluk réussit pourtant à être drôle sans se montrer moqueur, car le film est présenté comme une sorte de journal de bord de l’escapade des quatre protagonistes, et fait preuve d’une sensibilité, d’une attention particulière à chacun d’entre eux qui s’avère plutôt estimable.
On rit donc avec, et non pas contre – ce qui est déjà pas mal – et pourtant l’on voit poindre la paresse d’un système qui coulisse trop facilement et déroule son petit programme. Ce qui est quelque peu regrettable, surtout lorsque l’on sent que Betbeder pourrait se donner les moyens de plus d’ambition, en esquissant une piste qui mènerait plus loin que cette sympathique chronique d’un voyage au pays de l’incompréhension. En effet, les deux parisiens utilisent un enregistreur pour capter ce que disent les Inuits, afin de se faire traduire leurs paroles a posteriori, une fois qu’ils seront repartis. Au lieu de plonger dans les possibilités que pourrait offrir une comédie basée sur la reformulation du vécu, où l’aventure au présent cohabiterait avec un contrepoint en recul – un peu à la manière du Marin masqué de Sophie Letourneur – Betbeder préfère tout remettre à plat, en utilisant le sous-titrage. L’enregistreur finira aux oubliettes, comme simple élément venant parasiter l’action et récolter de petits rires complices. Dommage.
Aux oubliettes
Pour sa sortie en salles, Inupiluk est accompagné d’un autre court métrage, Le Film que nous tournerons au Groenland, qui met en scène le cinéastes et ses deux comédiens. Tous les trois se retrouvent pour une journée de travail afin de préparer l’élaboration d’un long métrage au Groenland, qui reprendrait les mêmes personnages deux ans plus tard. Cet appendice tient avant tout de l’anecdotique, même s’il renseigne sur la façon dont Inupiluk fut construit sur la base de situations amenées par les comédiens, et parfois improvisées. Mais le film donne la désagréable impression d’un entre-soi exhibé pour expliciter la sympathie ressentie envers les deux comédiens français d’Inupiluk (Thomas Blanchard et Thomas Scimeca), et la proximité qu’ils entretiennent avec leurs personnages. Le Film que nous tournerons au Groenland ne constitue donc pas un contrepoint suffisamment étayé pour susciter l’intérêt ; pire, il semble faire partie du programme uniquement afin de justifier une sortie en salles, alors qu’il aurait fait au mieux un dispensable bonus DVD. Dommage, dommage.