Véritable abonné du palmarès du Festival de Cannes (jusqu’à cette Palme d’Or obtenue en 2006 pour Le vent se lève), Ken Loach est reparti bredouille avec Jimmy’s Hall, pourtant annoncé comme son film testament. Composant un diptyque avec le film palmé précité, cette nouvelle réalisation permet au réalisateur anglais et à son scénariste Paul Laverty de s’intéresser à une nouvelle figure de l’engagement politique, celle de James Gralton, militant communiste irlandais.
Entrons dans la danse
James «Jimmy» Gralton semble s’inscrire dans la longue lignée de ces héros politiques qui peuplent le cinéma irlandais depuis quelques décennies, de Michael Collins à Bobby Sands. Moins connu que ses confrères (un militantisme local, une histoire ignorée des documents officiels), il fut néanmoins le seul à avoir été déporté. Exilé aux États-Unis une bonne partie de sa vie, il eut cependant l’idée lors de ses visites dans son comté natal de créer des lieux dédiés à la jeunesse de son pays, leur permettant ainsi de se cultiver, de suivre des cours, de chanter et de danser à l’abri des regards réprobateurs du clergé et des parents conservateurs. C’est la seconde partie de cette aventure, se soldant par l’incendie du centre et l’expulsion finale, qui intéresse Loach dans la mesure où elle traduit le véritable bras de fer opposant le militant à la paroisse locale en la personne du père Sheridan (Jim Norton, à la fois juste et ironique). Au travers de la figure de Gralton, Loach fait – comme à son habitude – l’apologie d’une forme de résistance, qui passe ici par la culture et un bel hommage à un poème de Yeats, face à la pensée dominante conjointe de l’État et de l’Église. Ce rapport de force s’inscrit dans la continuité du propos du Vent se lève.
Un homme comme tout le monde
Loach et Laverty se sont gardés de tomber dans les travers du biopic : prenant quelques libertés avec sa vie privée (en greffant par exemple cette histoire d’amour secrète avec Oonagh, jouée par Simone Kirby), le réalisateur et le scénariste s’égarent parfois dans des dialogues un peu trop plats pour que cette figure militante puisse pleinement s’incarner. Si on peut louer le parti-pris de ne pas chercher à tout prix la glorification de Gralton en donnant tout autant d’importance à la communauté à laquelle il appartient, on peut néanmoins déplorer cette mise à distance qui nous prive de toute introspection sur l’idée de l’engagement politique. Souvent limité à son action, Gralton est dans les scènes de réunion étrangement tenu en hors-champ ou noyé dans une masse où son discours est la plupart du temps inaudible. Dans cette tentative de normalisation, le réalisateur prive également le militant d’ascendance sur les obstacles, ce qui en fait trop souvent une victime, au risque de flirter dangereusement avec le manichéisme. Loach mène la narration de façon dialectique, alternant les séquences qui témoignent du combat de la communauté, celles exposant la répression menée principalement par l’Église et ne sort quasiment jamais de ce schéma-là. À l’image des âpres paysages verts irlandais souvent représentés, on aurait aimé que le canevas ne soit pas à ce point tout noir ou tout blanc.