Après l’enfer administratif de la recherche d’emploi (Moi, Daniel Blake) et l’uberisation du travail (Sorry We Missed You), Ken Loach poursuit son portrait des laissés-pour-compte du capitalisme moderne en s’intéressant cette fois à l’accueil, conflictuel, des exilés au sein des classes ouvrières occidentales. Dans The Old Oak, sorte de double optimiste du R.M.N. de Mungiu, des réfugiés syriens arrivent dans un quartier populaire situé non loin de Newcastle, au Nord-Est de l’Angleterre, mais sont chahutés dès leur arrivée par les locaux. TJ Ballantyne, le propriétaire solitaire d’un pub à moitié en ruines, seulement fréquenté par une poignée de piliers de bars racistes et désespérés, leur tend toutefois la main et décide de rénover l’arrière-salle de son établissement pour en faire un lieu d’accueil et de cohésion inter-communautaire. On l’aura compris : « le vieux chêne » qui donne son titre au film, c’est ce bar transformé en utopie cosmopolite mais aussi, plus loin, l’Angleterre voire l’Occident tout entier, ce coin du monde vieillissant qui doit lutter contre le déclassement de sa population et prendre en charge les victimes de guerres que, bien souvent, elle déclenche à distance.
Non seulement Loach est en terrain familier, mais The Old Oak reconduit de surcroît la même formule que les deux films précédents, avec un récit aussi infaillible que calibré, émaillé des désormais traditionnels fondus au noir caractéristiques de son cinéma. D’un film à l’autre, la constance du cinéaste britannique apparaît, certes, comme sa plus grande force (le programme dramatique, clair comme de l’eau de roche, est systématiquement tenu) ; c’est aussi la raison pour laquelle ses films manquent parfois le coche en suscitant, de par leur ronron, une indifférence polie. Si le film reste efficace et émouvant par endroits, on ne peut s’empêcher d’avoir le sentiment d’assister à l’adaptation routinière d’un scénario trop bien ficelé, par un cinéaste qui ne se remet plus en question.