Trois ans après la sortie remarquée sur nos écrans d’Audition, le dernier film de Takashi Miike s’inscrit dans la mouvance prolifique des films d’épouvante asiatique (The Ring, Deux sœurs) où la relation à la mère reste le premier vecteur de morbidité. Trop balisé, La Mort en ligne se borne malheureusement à entretenir un mystère de surface.
Un soir comme les autres, Yumi est témoin d’un étrange phénomène. Son amie, Yoko, reçoit un appel de son propre portable. Sur son répondeur, un message daté de trois jours plus tard : la jeune femme y entend sa propre voix, puis un cri effroyable. Au jour et à la date dite, elle meurt dans d’épouvantables conditions de souffrance. Peu à peu, d’autres proches vont disparaître selon ce même procédé, jusqu’à ce que Yumi reçoive elle-même un message prémonitoire. Déterminée, elle décide de mener l’enquête et découvre que ce lot d’événements la renvoie directement à un traumatisme qu’elle avait tenté, tant bien que mal, de refouler jusqu’ici.
Dès les premières scènes, le ton est donné. En multipliant les panos et les grands angles, Takashi Miike cherche à créer un malaise, et y parvient. Le monde moderne, tel qu’il est décrit, nous est particulièrement hostile : les décors cliniques semblent avoir pris le pas sur l’humain, et le menacent. Les personnages sont d’emblée prisonniers d’un destin qu’ont tracé pour eux les nouvelles technologies ; désormais un portable peut vous informer de l’heure de votre mort. Inutile de le jeter, de le briser ou encore de résilier l’abonnement, le sort est irrémédiable : le téléphone a toujours le dernier mot. De cette trame efficace et non dénuée d’humour – laquelle a par ailleurs retenu l’attention des producteurs hollywoodiens qui cherchent déjà à en faire un remake – le réalisateur japonais en tire d’abord une réflexion assez pertinente sur la dépendance des nouvelles générations aux dernières technologies. Toute la première partie du film n’hésite d’ailleurs pas à user de dérision pour décrire le macabre, notamment lors de l’émission de télévision racoleuse où une amie de Yumi tente de se faire exorciser en direct.
Mais lorsqu’il s’agit de sonder les tréfonds de l’inconscient, La Mort en ligne fait la grossière erreur de se prendre trop au sérieux. À grands renforts de flash-backs plutôt pathétiques sur le passé trouble de Yumi, la mise en scène de Takashi Miike trahit toute la vacuité de son propos, préférant de trop courts moments de fulgurance à un traitement plus complexe du refoulé. Ici, la peur va de pair avec un plaisir régressif (fantômes cachés dans les placards, messages téléphoniques mystérieux). La grande scène finale – dans un hôpital désaffecté si glauque que l’on se demande comment des patients ont pu accepter de s’y faire soigner – multiplie les retournements de situation – parfois grotesques – pour complexifier un scénario bien maigrichon. Doté d’un savoir-faire non négligeable, le réalisateur japonais n’a réussi qu’à entretenir un mystère de surface, rendant la projection finalement assez longuette.