Est-ce l’été, sont-ce les distributeurs ? La production italienne parvenue à passer les Alpes ces quelques derniers films (L’amour a ses raisons, notamment) tient, avant tout, de la caricature outrancière. Dans le genre, La Prima Cosa Bella fait figure de must : personnages grossièrement dessinés, pathos ronflant et mise en scène à peine existante. Ouch !
On la sent, pourtant, la volonté de lorgner vers les grandes sagas humaines italiennes à la Nous nous sommes tant aimés. Pourtant… Deux films composent La Prima Cosa Bella. Le second (chronologiquement parlant) suite les pas de Bruno, le fils perturbé de la fantasque Anna, d’âge mûr. Le premier retrace l’âge d’or tumultueux de la belle Anna, et l’enfance de Bruno et de sa sœur Valeria. Les deux narrations sont entremêlées sans que beaucoup de choses nous permettent de faire, formellement, le distinguo – costumes et acteurs exceptés, le réalisateur ne parvient pas à ancrer son récit dans une époque.
Pour le passé, c’est la gironde Micaela Ramazzotti qui tient la vedette. Épouse du réalisateur, la jeune femme en fait des tonnes de le rôle de l’éternelle adolescente irresponsable et passablement nunuche (rappelant, sans la désarmante candeur de You, le personnage de la mère du merveilleux Nobody Knows). La vie d’Anna bascule donc le jour fatal de l’élection locale de miss maman (sic). Prise en photo à cette occasion, elle deviendra le personnage d’un cliché qui va exacerber la jalousie de son mari. Paolo Virzì, derrière la caméra, n’est au contraire pas avare des charmes de sa ravissante épouse, filmée avec une impressionnante complaisance.
Le contraste avec la composition de Stefania Sandrelli est saisissant, surtout pour qui se souvient du charme époustouflant de l’actrice de Divorce à l’italienne. Elle aussi cabotine en diable, mais l’actrice laisse pourtant transparaître par instants une nostalgie poignante, certainement plus pour son moi passé en tant qu’actrice qu’en tant que personnage. À ses côtés, Valerio Mastandrea campe un Bruno étonnant : longuement décrit par ses proches comme un ours misanthrope, le personnage vire tout à coup dans une empathie, certes bourrue, mais réelle, de fils parfait, tandis que sa prétendue toxicomanie ne se manifeste réellement que pour donner un prétexte à quelques scènes supposées burlesques.
En dehors de ça, on bavarde, on crie, on gesticule beaucoup dans La Prima Cosa Bella : un passage obligé pour la comédie dramatique à l’italienne ? Quoi qu’il en soit, le film s’y complait joyeusement. Il déborde de sentiment, également : du sentiment uniquement vocalisé, souligné par des dialogues souvent répétitifs, hyperboliques, mais qui ne sont guère portés par l’interprétation. Pas grave, le message est là : malgré tout on s’aime, et c’est bien tout ce qui compte.
Peinture superficielle d’une Italie à peine effleurée, La Prima Cosa Bella ignore le souffle des grandes sagas humaines qu’il voudrait ressusciter. Produit par Medusa Films, maison de production contrôlée par Silvio Berlusconi, le film se garde bien de donner corps à son propos, et de donner à réfléchir à son auditoire. Un film gentillet, figé dans une stase artistique inoffensive mais diablement creuse, qui voudrait remplacer sa chair et son sang par trop de mots et trop de gestes. Peine perdue.