Inspiré d’une histoire vraie, Le Jour où Dieu est parti en voyage entend rendre un hommage aux victimes du génocide de 1994. Alourdi par une foule de maladresses, le film sonne faux, pire, ennuie. Une réalisation toute imprégnée de culpabilité, qui dessert son sujet davantage qu’il ne rappelle la mémoire des disparus.
S’attaquer cinématographiquement au génocide des Tutsis au Rwanda est une tache plus que délicate : les réalisateurs qui s’y sont essayés sont souvent tombé dans le pathos (Hôtel Rwanda, Terry George, 2004), la maladresse (J’ai serré la main du Diable, Roger Spottiswoode, 2007). Certains ont réussi à appréhender ce drame par une voie et une voix plus justes, plus simples, moins artificielles : Denis Gheerbrant, en 2003, avec Après, à la rencontre des récits des rescapés, ou encore Jean-Christophe Klotz, en 2006, avec Kigali, des images contre un massacre, retour sur les lieux qu’il a filmés, pendant le génocide, pour la télévision et regard critique sur son travail et le rôle des médias.
Le film de Philippe Van Leeuw ne fait pas partie de ces exceptions. Réalisant là son premier long-métrage, Van Leeuw a été auparavant directeur de la photographie sur La Vie de Jésus (Bruno Dumont, 1996), Le Dernier des fous (Laurent Achard, 2005) ou encore Les Bureaux de Dieu (Claire Simon, 2007). Une précision importante, car sur le plan photographique effectivement, rien à redire au Jour où Dieu est parti en voyage. Le problème ne se situe pas au niveau de l’image. Son intention était, explique l’auteur, de rendre hommage aux victimes du génocide, et uniquement à elles. Pour ce faire, le cinéaste s’est emparé d’une histoire réelle, racontée par des proches : au début des massacres, ils quittent le Rwanda, où ils étaient expatriés. Sans pouvoir rien faire pour elle, tout en lui promettant de revenir, ils laissent la nourrice de leurs enfants, Jacqueline, Tutsie, cachée dans un réduit aménagé dans le faux plafond de la maison. Inquiète du sort de ses enfants, Jacqueline sort de sa cachette et entreprend de rallier son village. Elle y découvre les cadavres de ses petits. Commence alors une longue fuite pour échapper aux meurtriers.
Si l’intention de rendre hommage aux victimes est louable, le résultat présente d’abord un problème de rythme : cachée dans la forêt, puis le long d’un fleuve où elle rencontre un homme blessé, qui se cache, lui aussi, puis de nouveau dans la forêt, Jacqueline en est réduite à la survie. Courir, se cacher dans la boue, chercher à manger, tenter de dormir. On assiste à la désagréable répétition des mêmes gestes, des mêmes plans… on en vient à s’ennuyer, ce qui, quant on prétend s’emparer d’un tel sujet, est pour le moins gênant. La rencontre et la relation (y compris sexuelle) avec l’homme affaiblissent dans le même temps le personnage de la femme. Il eût été plus fort de creuser la descente aux enfers de cette mère forcée de survivre à la mort de ses enfants.
Philippe Van Leeuw prend le parti de ne pas mettre en scène les massacres, de ne pas laisser de place aux bourreaux. Là encore, son intention est de se concentrer sur le sort des victimes, de Jacqueline en l’occurrence. Du coup, le film perd en crédibilité : Jacqueline échappe sans cesse aux meurtriers, la forêt paraît déserte et silencieuse, alors que le génocide est en cours… Le seul moment où Jacqueline est confrontée à un bourreau – face à face dans lequel ce dernier attend qu’elle sorte de la marre où elle s’est réfugiée – sonne faux lui aussi. Le discours du bourreau n’est qu’une succession de tous les attributs du méchant.
Dans ce film où tout respire la culpabilité de l’Occidental cherchant un regard humaniste, surnage Ruth Nirere, l’actrice qui tient le rôle principal. Cette artiste, connue sous le nom de Shanel, est l’auteur d’une chanson à la mémoire des victimes du génocide, diffusée chaque année à la télévision rwandaise pendant la période de commémoration. Malheureusement, son interprétation poignante ne sauve pas un film alourdi par les maladresses.