La figure de Sherlock Holmes a connu une nouvelle jeunesse ces dernières années avec la série anglaise co-signée Steven Moffat. Par une inscription de l’univers de Conan Doyle dans le monde contemporain, et par un recours à un humour so british, la série a placé Sherlock Holmes dans un univers à la fois geek et pop. Et elle a contribué au passage à faire émerger la figure de Benedict Cumberbatch au rang des acteurs qui comptent au plan international.
En adaptant le roman de Mitch Cullin, Les Abeilles de Monsieur Holmes, Bill Condon joue le contrepied. Il inscrit son Mr Holmes dans une Angleterre ancienne mode (campagne verdoyante, cottage mignon…) et met en scène le génie de la résolution des crimes dans les dernières années de sa vie, alors que la sénilité le guette et affecte chaque jour davantage ses capacités intellectuelles hors normes.
Le récit cherche à cerner l’homme derrière le héros de papier. Le Sherlock Holmes de Mitch Cullin/Bill Condon conteste en effet le legs de son cher Watson dont les romans (Conan Doyle jouait à se cacher derrière la plume fictive du médecin) ont alimenté sa célébrité, mais dans le même temps totalement masqué sa vérité. Il n’a jamais porté de deerstalker, cette casquette à double visière, il ne fume pas la pipe, et n’habitait pas au 221b Baker Street. Surtout certaines enquêtes narrées par Watson ne sont pas les réussites que celui-ci voulait bien communiquer au public.
Ennuyeux à-côtés
En soi, le pitch a du charme. Voilà un biais original pour traiter d’un personnage connu de tous et déjà l’objet de nombreuses transpositions cinématographiques. Sauf que le résultat s’avère bien décevant. La réalisation en soi n’est pas en cause. Il y a une forme d’élégance dans la mise en scène de Bill Condon. Il sait notamment y faire avec les travellings. L’interprétation n’est pas non plus à blâmer. Ian McKellen porte même le film sur ses épaules. Sans retenue, il livre une prestation étonnante de vieil homme combattant un Alzheimer qui gagne du terrain, tout en visages hagards et en mime crédible d’une forme avancée de délabrement physique.
Non, le problème de Mr. Holmes se situe sur un scénario bancal qui finit par tourner à vide. Refusant de suivre tout à fait le présupposé de départ, le héros de fiction qui se veut être humain à part entière, le film se perd dans une série d’à-côtés conçus sans doute pour donner de la profondeur à l’ensemble, mais qui à l’arrivée dilatent davantage le récit qu’il ne l’éclairent.
Devenu son propre biographe, Sherlock Holmes s’attelle à la rédaction de la dernière enquête de sa carrière, celle qui l’a poussé à quitter Londres et à se retirer à la campagne. Malheureusement cette histoire racontée à grands coups de flashbacks ennuie plus qu’elle ne fascine. Qu’il ait quitté la profession dans des circonstances certes dramatiques mais tout de même peu renversantes, surprend pour celui qui a combattu rien moins que le Chien des Baskerville ou le Professeur Moriarty.
De la même façon, l’arc narratif qui transporte Sherlock Holmes au Japon est d’une densité toute relative. Le mini-twist qui le conclut ne suscite pas l’adhésion. Idem pour le tout petit suspense qui entoure la mort des abeilles du cottage. Bref on rêve de grandes envolées romanesques, de forts enjeux dramatiques, mais le film se contente de son rythme lent de pure exploration existentielle sous forte dose de Lexomil et un flot ininterrompu de bons sentiments.