Librement adapté d’un best-seller intitulé Le Dîner, le nouveau film d’Ivano De Matteo (La Bella Gente, Les Équilibristes) commence et s’achève par un repas familial, rituel mensuel réunissant deux frères et leurs épouses respectives. Quand arrive la scène finale, on comprend rapidement que l’effet recherché est la symétrie, ou plutôt l’asymétrie, entre les deux dîners, une sorte de jeu des sept erreurs sur ce qui a pu changer dans l’ambiance en un mois. L’ennui est qu’une fois cette évidence acquise, la conclusion-choc supposée terrassante éclate comme un pétard mouillé puisqu’on a pu la voir venir en se remémorant le premier dîner – tout au plus s’est-on dit « Non, il ne va quand même pas oser ça… eh bien si ! » Seulement, cet ultime et désolant effet de manche n’est que le point d’arrêt par lequel le film essaie de justifier les gesticulations où il s’est complu jusqu’alors.
Car où veut en venir Nos enfants, en fin de compte ? Essentiellement à rendre dramatique et bruyant ce qui est évident dans les premières minutes. À savoir que les deux frères n’ont pas grand-chose en commun (un infirmier de classe moyenne à l’esprit bobo et un avocat bourgeois chic), que les belles-sœurs ne peuvent pas se voir en peinture, que ces personnages ne sont réunis que par une aptitude à l’hypocrisie ordinaire et une confiance un peu trop forte dans leur propre situation (en particulier leurs enfants qu’ils croient éduquer pour le mieux), et que tout cela va dégénérer. Tout le film, dès lors, prend des allures de tour de manège scénaristique pour illustrer par des chemins tortueux les données lisibles au départ. Cela commence par une scène d’ouverture jetée comme un leurre : un fait divers qui n’a en apparence rien à voir avec le sujet, mais qui viendra opportunément souligner l’opposition sociale et éthique entre les frères. Mais comme si cela ne suffisait pas, le drame directement extrait du roman d’origine vient en renfort : le fils du couple bobo et la fille du couple chic font ensemble une grosse bêtise, du genre qui peut les envoyer en prison, et les parents tentent de se concerter sur l’attitude à adopter. Comme prévu, les masques et les postures s’effritent, les meilleures intentions des uns et des autres s’empoisonnent, l’ambiance se dégrade… et le spectateur n’a plus qu’à attendre que cela explose dans les cris et la violence. Si ce nouveau tir à boulets rouges de De Matteo sur « les gens bien » ne convainc pas, c’est bien parce que dès le départ on le sent trop assuré de faire mouche, trop sûr de sa qualité d’observateur de la bassesse humaine, pas assez sincère dans sa posture de moraliste, et que dès lors son jeu de massacre apparaît comme une inutile démonstration de clairvoyance préétablie.