Réparer les vivants, présenté à la dernière Mostra de Venise, s’ouvre sur le visage d’un jeune homme, Simon, et se referme sur celui d’une femme quinquagénaire, Claire. Entre ces deux corps qui se réveillent, le film tente de raconter le transit d’un cœur qui irriguerait une fiction protéiforme, mêlant mélodrame, chronique de la vie hospitalière et teen movie. Si le projet ne manque pas d’ambition, et n’est pas également raté dans toutes ses ramifications, Réparer les vivants pâtit avant tout de sa volonté de tisser un maillage romanesque où chaque personnage est dessiné à l’échelle seulement d’une scène ou deux, quitte à tomber dans la vignette (l’un écoute du rap, l’autre est passionné d’oiseaux, un autre encore travaille dans la métallurgie, etc.). Là où le film aurait gagné à se resserrer autour d’un pur principe d’action (la circulation d’un cœur comme moteur de la fiction), Katell Quillévéré tricote son petit mélo choral, en revenant en arrière et en multipliant les digressions, plutôt que d’avancer en tressant les personnages les uns aux autres. C’est d’autant plus dommage que le film esquisse ici et là ce qu’aurait pu donner sa version muée par une véritable dynamique de ronde des affects et des êtres, à l’image de ce plan fugace où le médecin interprété par Bouli Lanners disparaît comme une ombre pour suivre sa route et passer au cas d’un autre patient. Il n’est d’ailleurs pas anodin que le film multiplie sans cesse des plans rivés à la nuque de personnages qui traversent des couloirs : ces allées et venues constituent en quelque sorte la colonne vertébrale secrète du film, qui voudrait raconter le cheminement de l’organe et des émotions qu’il charrie avec lui.
Or, la galerie de personnages et la diversité des lieux traversés accouchent moins d’une forme ample mêlant fresque et chronique (à l’image du très raté Suzanne, qui contait 25 ans de la vie d’une femme en l’espace d’une heure et demie) que d’un panachage sans reliefs de figures plus ou moins bien campées. Si d’aucuns pourront louer les petites audaces formelles du film (l’invasion lente et mortifère d’une mer numérique sur une route pour figurer un accident de voiture), le commun des scènes se rapproche plutôt d’un drama téléfilmesque noyé sous la mélasse d’Alexandre Desplat. Outre son cœur défaillant, le film ainsi souffre de l’approximation de certains acteurs, du sous-emploi d’autres (l’excellente Dominique Blanc), quand seuls quelques-uns (Tahar Rahim et sa voix douce trahissant un embarras, Bouli Lanners et ses regards silencieux) réussissent véritablement à tirer leur épingle du jeu.