Sous ses dehors proprets de premier film d’apprentissage autour des émois de l’adolescence, Un poison violent se révèle un peu plus habité que la moyenne. Anna, jeune baptisée revenue de l’internat le temps de faire sa confirmation dans son village breton, est ballottée de scène en scène entre les « piliers » sur lesquels s’appuie son existence, avant de se laisser tenter par un nouvel horizon, le jeune enfant de chœur qui veut sortir avec elle. Autour d’elle, lesdits « piliers » – le curé d’origine italienne en plein doute, le grand-père grabataire mais à l’athéisme jouisseur, le père fâché avec la religion et le foyer, la mère pratiquante aux bords de la crise de nerfs – s’effritent sous le poids de leurs contradictions, étalant leurs ambiguïtés devant son regard sorti de l’enfance. La mise en scène suit ses va-et-vient et son éveil, sagement, mais à l’écoute des conflits qui divisent ses personnages, attentive à les faire exister comme individualités au-delà des archétypes (et sachant ainsi faire passer dans son casting des présences connotées et potentiellement pesantes, Lio et Michel Galabru, comme des lettres à la poste au milieu d’inconnus convaincants). Surtout, la « justesse du trait » (au-delà de l’usage galvaudant qu’on peut faire de cette expression en l’appliquant à la neutralité d’une mise en scène trop prudente) recèle l’expression d’un réel rapport de la réalisatrice avec ces conflits, même une certaine envie de mettre les pieds dans le plat, qui se fait la plus vive quand il s’agit de se jouer de la tradition religieuse qui fait sentir son poids sur ces personnages. Jusqu’à la belle fin, où on s’empresse de diluer le noir du deuil traditionnel dans le noir de la rébellion avant de foncer voir ailleurs. Katell Quillévéré est d’une délicatesse visiblement non dénuée d’une certaine audace ; si jamais elle prend par la suite plus d’épaules de réalisatrice, il y a de beaux espoirs à placer en elle.