Nos réalisateurs de genre aiment à taquiner Hollywood… Fabrice du Welz fait partie de ceux qui ont choisi l’anglais et les tics de certaines grosses productions outre-Atlantique pour faire un « film à grand spectacle », tout en martelant son divertissement de démonstrations – légères – d’engagement. C’est horrible un tsunami ? un pays plongé dans la misère ? Bien entendu, mais c’est tout aussi atroce de voir Emmanuelle Béart s’enfoncer dans des films de plus en plus médiocres.
On l’avait quittée sur un podium de danse disco, on la retrouve dans la jungle thaïlandaise, en nage, et en deuil. Emmanuelle Béart, excellente interprète des derniers rôles offerts par Sautet, tout aussi intéressante et radieuse dans les films de Téchiné, dont le dernier, Les Témoins, prolonge sa carrière en dents de scie. Elle a, cette fois, choisi de tourner sous la direction de Fabrice du Welz, réalisateur d’un Calvaire très raté en 2005. Ce dernier, fasciné -nous dit-on dans le dossier de presse- par le « monde rural », a pris l’avion pour la Thaïlande, un des pays ravagés par le tsunami de 2005. Évidemment, un paysage dévasté, un pays meurtri, est l’espace idéal – cliché ? – pour mettre en scène la misère ou la douleur morale d’un couple. Voulant tout embrasser, du Welz va ajouter un peu de social, un peu d’étrange, un peu d’étranger à son film.
Janet et Paul, lors de vacances thaïlandaises donc, ont perdu leur fils unique dans le tsunami. Le deuil est d’autant plus difficile que les secours n’ont pas retrouvé le corps de l’enfant mort : alors que Paul refuse de sombrer dans la folie, Janet s’accroche à des rêves, des fantasmes, des visions, qui la persuadent que son fils a été kidnappé par des trafiquants d’enfants adoptés : elle va donc parcourir la jungle à la recherche de son rejeton, et découvrir que les vivants ne sont pas les seuls à roder, puisqu’une tripotée de fantômes d’enfants va se mêler à son histoire. « Vinyan » est l’âme du mort qui vient hanter le monde des vivants : sauf que l’on ne croit pas vraiment à la force du film de fantômes, comme on ne ressent pas de véritable émotion à voir cette histoire de profonde souffrance parentale. Fabrice du Welz choisit systématiquement le clinquant pour entrer dans le film de genre – le film de fantômes – et dans le film sentimental. Il ne réussit d’ailleurs jamais à donner assez de corps à son histoire et à son atmosphère pour sembler complet dans un genre ou dans un autre.
L’exemple le plus frappant de l’instabilité de son cinéma est la façon dont Du Welz remplit son film de musique, de lumières ou de séquences muettes – on regarde beaucoup dans le vide ici – censées donner un rythme, une émotion ou une beauté qui restent toujours factices, démonstratives. Il ne suffit pas de filmer Béart en deux-pièces pour faire un film glamour, il ne suffit pas de montrer le monnayage des enfants achetés par les Occidentaux en mal de démographie pour faire un film dénonçant le trafic d’adoption, il ne suffit pas de peinturlurer des enfants thaïlandais morts-vivants pour rendre hommage à Friedkin. Il ne suffit pas, enfin, de prendre une actrice célèbre à contre-emploi, d’utiliser des moyens de superproductions, et d’être « fasciné » par un pays, pour faire un bon film.