Après la Grèce, voilà la Hongrie qui, avec White God et cet étrange film présenté cette année à Cannes (Un Certain Regard), semble à son tour se saisir de la crise politique voire sociale qu’elle traverse pour offrir un cinéma proche de la fable, à la limite du fantastique. Et du malaise.
Pourtant White God a tout pour plaire : un message d’amour (explication de texte placée en exergue – une citation de Rilke), des images urbaines impressionnantes (les rues de Budapest, sur une musique classique, envahies par des meutes de chiens en pleine course), une mise en abyme de la tension fasciste qui règne dans le pays (ici les chiens du film, des bâtards, sont mis de côté par le gouvernement et, maltraités, se rebellent avec une violence et une hargne sans pitié). L’erreur profonde du film est de vouloir incarner en un des chiens – le protagoniste Hagen, leader de la meute des opprimés et chien fidèle de la jeune Lili – une intelligence et une sensibilité humaine, par des effets de montage semble-t-il, dont le ton mélodramatique rappelle les plus mauvais souvenirs animaliers télévisuels.
Si la comparaison avec un effroi comme celui provoqué par Les Oiseaux est impossible (la comparaison est faite de-ci de-là et pour promouvoir le film), cela tient précisément à cette humanisation des chiens, les protagonistes d’une bonne partie du film (Hagen aussi bien que d’autres chiens, personnages clés, comme ce petit chien blanc qui apparaît tel Milou, toujours au moment opportun, pour sauver Hagen d’une impasse). Nous savons, dès lors que nous avons vu Hagen avoir des remords après avoir tué un de ses frères, que sa rage est passagère et qu’il reconnaîtra sa maîtresse – car c’est un chien au cœur pur… Noyée sous le sentimentalisme qui motive le récit, la première partie irrigue toute la seconde (le soulèvement des opprimés) de sa pesanteur. Pourquoi choisir d’incarner une révolte salutaire en un chien, le meilleur ami de l’homme, faut-il le rappeler, sinon pour porter ce message d’amour déjà souligné et re-souligné ? Message reçu.
GOD – DOG
On sent que White God est un cinéma porté par une vision, des images impressionnantes, construites avec une grande sensibilité visuelle (les dernières séquences du film) et mises en scène avec ce qu’il faut de grandiloquence. Mais le mélodrame tissé autour de ces visions, même quand il tombe dans une violence dont l’arbitraire se voudrait signe d’horreur, est démonstratif, fatigant et toujours sentimental. Le fil même se perd quand, alors qu’Hagen se fait embrigader dans un réseau de combats de chiens clandestins, Lili craque pour un de ses copains de lycée et sort en boîte avec lui… Un éparpillement qui ne laisse au scénario qu’une seule fondation : l’amitié entre la fille et son chien. Une bien maigre substance, pour un film à l’ambition visuelle si prononcée.