Deux décennies avant de défrayer la chronique judiciaire, Jean-Claude Brisseau déboulait dans le paysage cinématographique français avec des œuvres étonnantes, mélangeant audacieusement les genres et les tons. Ses deux premiers longs métrages, Un jeu brutal et De bruit et de fureur, viennent de sortir en coffret DVD. Cinéphile patenté, cinéaste autodidacte ayant fait ses armes en Super‑8 puis à la télévision, l’ancien professeur de banlieue pétri de mysticisme y installait sa manière unique de prendre à bras le corps, avec une simplicité et une force défiant le ridicule, une constellation étourdissante d’enjeux humains, politiques, moraux, métaphysiques. Entre cruauté et tendresse, brutalité et lyrisme, un artiste indispensable était né.
L’éducation
De son expérience d’instituteur puis professeur en banlieue, Brisseau a gardé la conviction que l’éducation et l’accession à un être-au-monde conscient sont un enjeu majeur de la vie humaine. Un jeu brutal trace le parcours d’une jeune hémiplégique du refus de vivre et du ressentiment presque autiste à la sérénité grâce, notamment, aux cours particuliers peu ordinaires d’une ex-institutrice. Une bonne part des scènes de De bruit et de fureur se déroulent dans la classe d’un Centre d’Éducation Spécialisé, où un principal et une jeune professeur sont aux prises avec des élèves dissipés et pas loin de l’analphabétisme.
Dans les deux films (comme, plus tard, dans Les Savates du Bon Dieu), l’ouverture au monde passe, entre autres, par l’apprentissage de la poésie : Isabelle (Un jeu brutal) et Bruno (De bruit et de fureur) doivent commenter des textes de Prévert, Baudelaire ou Verlaine, et trouver ainsi en eux les ressources pour essayer de voir le monde autrement, le ressentir, le comprendre. La beauté de ces scènes vient de ce qu’elles refusent le pur effet-révélation (ô prodige ! un poème et tout s’éclaire !) sans sacrifier pour autant à la croyance profonde en la possibilité du miracle : au terme d’un cheminement fait de refus (je ne veux rien savoir) et d’achoppements (je ne peux pas comprendre), les mots font leur effet, ouvrent une porte dans l’esprit de celui qui apprend.
Point d’angélisme, pourtant, ni de solution ultime. Brisseau a une conscience aiguë de la relativité de la pédagogie, de sa puissance et de ses limites : la nécessaire impureté dans la construction de chacun et la complexité des choses du monde font qu’il n’est aucune méthode parfaite, respectueuse de chacun et convenant à tout le monde. Malgré les efforts et la tendresse de son enseignante (scène superbe où elle lui apprend à danser sur une version poignante d’Aux marches du palais par Nana Mouskouri… si, si !), malgré ses progrès évidents, Bruno ne trouvera pas sa place sur cette terre qui lui posait tant question. L’accès à la conscience de son ami Jean-Roger (François Négret, acteur intense et rare) ne se fera pas par la voie de l’éducation. Question de personnalité, peut-être : Thierry, grand frère de Jean-Roger, ne se sent pas à sa place dans sa famille et dans sa banlieue, et aspire de son propre chef à la vie des « gens bien ».
Par ailleurs, Brisseau n’exclut pas l’efficacité de la méthode forte : dans Un jeu brutal, la progressive acceptation de soi-même et de l’autre par Isabelle passe autant par les séances relaxantes d’écoute de la nature que lui donne Annie, par la découverte de la sensualité et de l’amour, que par l’implacable sévérité de son père, qui l’oblige à se lever aux aurores et l’enferme dans sa chambre, privée de repas, dès qu’elle se montre récalcitrante ou insolente… Il ne balaie pas non plus la jouissance de la transgression : voire la spectaculaire scène de chahut au CES, qui n’est pas sans rappeler le Jean Vigo de Zéro de conduite, mais où l’odeur de liberté n’efface en rien l’effroi du chaos qui submerge la pauvre Fabienne Babe : sensation de gâchis et élan libertaire vont ici de pair.
La loi
Les règles que s’imposent les hommes entre eux sont au cœur des questionnements de Brisseau. Dans les deux films, l’impressionnant Bruno Cremer incarne un personnage qui se méfie du pouvoir. Dans Un jeu brutal, il est le glaçant professeur Tessier, éminent biologiste qui sombre dans la paranoïa, persuadé d’être espionné par ses confrères et par l’État. À sa fille Isabelle, il impose une discipline stricte fondée sur le dépassement de soi et de l’infirmité (physique ou morale) propre à chacun. Il lui fait surtout part de sa foi en les lois éternelles de la Nature, fondées sur un équilibre où chacun a sa place et un rôle assigné par Dieu, qui consiste à tuer et à être tué… Cela sans cruauté « inutile » : il réprouve la méchanceté d’Isabelle avec les sauterelles qu’elle martyrise. Dans De bruit et de fureur, Cremer est magistral en patriarche nihiliste. Marcel, rentré de la guerre avec une allergie irréductible pour les hommes et leurs lois, fait régner la crainte autour de lui, dominant son propre frère et son fils cadet. Le seul personnage qui le désarçonne, malgré l’aversion qu’il nourrit pour le mode de vie auquel celui-ci aspire, est aussi le seul qui lui tienne tête : son fils Thierry.
Presque vingt ans avant les désormais fameuses émeutes de banlieues, De bruit et de fureur dresse un constat sans complaisance, dans des grands ensembles délabrés où des graffitis réclament « Le Pen vite ». Dans un climat politique de refoulement où l’opportunisme médiatique n’existe pas encore, le film dérange et vaut à Brisseau, qui prétend que son film est bien en deçà de la réalité, de se faire traiter de fou. Le geste politique n’a rien perdu de sa force – d’autant que la situation ne s’est guère arrangée…
Mais, hostile à tout simplisme, le film fuit le discours sociologique un peu court des causes et des effets, cerne les enjeux dans toute leur complexité et les élève à un niveau moral, les inscrivant dans un authentique questionnement esth/éthique. Pas de vaine tentation du «~faire-vrai~», pas de politique politicienne : Brisseau fait du cinéma. Serait-ce à dire que le cinéma n’a que faire de la réalité et de la politique ? Certes non. Mais s’il n’apporte pas une distance, un point de vue qui extirpe le regard du marasme de la réalité et construise une conscience par des sensations et des émotions complexes, ambivalentes, alors il se confond avec le discours médiatique fondé sur le sentiment, ou avec le militantisme aveugle. Sans jugement, Brisseau renvoie chacun à sa responsabilité, mais donne surtout aux habitants de banlieue le statut de personnages de cinéma.
Exempt de tout sordide, le film prend en effet à l’occasion des airs de western, genre par excellence du questionnement sur la Nature et la Culture, sur la force et le droit – donc sur la Loi. L’espace du film est une zone de non-droit, un au-delà de la frontière que marque le périphérique parisien (l’exergue tiré de Shakespeare suggère même un espace-temps mythique d’avant les lois : celui de la tragédie antique). A ceci près que cette frontière ne marque pas la limite entre le monde civilisé et les contrées sauvages : elle est la dégénérescence du système civilisé lui-même, son échec, son refoulé se retournant contre lui. Jean-Roger, qui continue d’aller à l’école mais y défie l’autorité, navigue entre divers hors-la-loi, individualistes repliés sur leur famille ou jeunes regroupés en clan, qui tous défendent leur territoire, s’affrontent aux représentants de la loi : assistante sociale, police… La scène où des policiers lancent un raid dans la cité, où ils sont accueillis par des caillasses, des cocktails Molotov et des armes blanches, verse même dans le film de guerre : « Ce sera toujours la guerre. Partout. Tout le temps. », affirme d’ailleurs Marcel, blasé, à son fils aîné.
Contrastes et ambiguïtés
Un jeu brutal est un condensé étonnant de thriller ésotérique et de mélodrame ; De bruit et de fureur, non content de mêler film social, western, film de guerre et tragédie, développe une audacieuse dimension burlesque. Brisseau fait jouer les genres les uns avec (ou contre) les autres, joue de leurs codes, et y ajoute un mélange des tons, où la violence rejoint le comique pour former un décapant précipité de vie où une grande complexité d’enjeux prennent forme sensible. Le genre qui illustre le mieux cette capacité du mélange des genres à questionner le réel par l’ambiguïté, et dont la présence est la plus déconcertante, est le fantastique. Fondé sur l’irruption, dans la réalité, de phénomènes inexpliqués, le fantastique contamine généralement l’ensemble de la tonalité d’un film pour assurer l’immersion du spectateur. Ici, il intervient par bribes, dans un univers marqué, malgré tous ses excès, par une forme de réalisme, une solidité qu’il vient troubler.
Ce fantastique est indissociable d’une lecture personnelle que fait Brisseau des mystiques chrétienne et hindoue. Nulle trace de bigoterie ici, mais la conviction que le monde ne se réduit pas au sensible. Béton ou feuillages, il filme avec l’intuition profonde qu’une transcendance habite toute chose. Des rayons de soleil perçant des nuages cotonneux donnent l’intuition du divin. Quelques plans lyriques sur une nature frémissante, et un somptueux panthéisme est à l’œuvre. Dans Un jeu brutal, traversé d’interrogations sur le déchiffrage du monde, sur l’existence de Dieu et du Mal, le double éthérique d’un mort apparaît à la personne qui l’aime, et lui tend un miroir pour affronter ses chaînes et s’en libérer. Dans De bruit et de fureur, une femme apparaît aux yeux d’un garçon dans un halo bleuté, accompagnée d’un faucon qui pourrait être une transfiguration de son serin. Figure maternelle remplaçant une mère toujours absente malgré les pense-bête affectueux collés au mur de l’appartement, elle prend diverses formes donnant consistance à l’imaginaire de l’enfant, mais a surtout le pouvoir irrationnel d’agir sur la réalité.
Pour qu’une prise de conscience s’opère chez le personnage de Jean-Roger, avec qui l’éducation a échoué, il aura fallu la mort de son père (soit la mort d’un coupable, disparition de l’obstacle majeur à l’ouverture de l’esprit) et celle de son meilleur ami (soit la mort d’un innocent, qui constitue un choc touchant à l’affect) ; il aura fallu que cette dernière s’accompagne d’une dimension fantastique (écouter attentivement la magnifique lettre dont la lecture clôt le film) ; il aura fallu, en somme, que des forces supérieures se mêlent à la réalité des mortels. C’est dire si la croyance de Brisseau en la possibilité d’un changement réel est désenchantée…
La place du spectateur
Si Brisseau a ce don bluffant de tirer une force inouïe d’intrigues souvent grand-guignolesques, c’est que ses excès, son lyrisme même, sont bridés par sa mise en scène implacable, qui parvient tout ensemble à toucher le spectateur par un processus d’émotions et à instaurer une légère distance. Les ellipses, propices à stimuler l’imagination du spectateur, font légion, entre deux scènes mais aussi au sein même d’une scène. Il advient souvent un léger décalage entre deux plans : le cinéaste ne recherche pas l’effet de raccord parfait, de continuité absolue. Par ce remarquable compromis entre croyance et distanciation, la mise en scène se donne à voir avec discrétion, sans jamais étouffer son objet. Chaque plan s’affirme, existe pour ce qu’il est, ce qu’il montre.
Cette direction du regard prend la forme particulière de l’ellipse spatiale lorsqu’il s’agit de filmer la violence : figure fondamentale du cinéma de Bresson, l’ellipse spatiale consiste à filmer, dans une scène, l’à-côté de ce qui constitue a priori le centre d’intérêt de l’action, à filmer un détail au lieu d’offrir une vue d’ensemble – bref, à éviter ce qu’il y a de plus parlant pour le spectateur. Voir le plan magnifique du culbuto lors du meurtre d’un des enfants dans Un jeu brutal, ou, dans De bruit et de fureur, la manière dont l’attention est détournée de la main écrasée par une pierre vers la chef de bande caressant la fille qui a servi d’appât.
Par la médiation de la télévision que Jean-Roger a dans sa chambre, Brisseau expose les contre-exemples de sa conception du traitement audiovisuel de la violence et du sexe. Les deux garçons y regardent Zombie de Romero – dans un extrait duquel on voit une femme se faire arracher des bouts de chair –, et un film pornographique dont le traitement cru et réifiant du corps féminin est à des lieues de la fascination (un rien suspecte, voir plus bas) qu’éprouve le réalisateur à son égard. Jean-Roger déclare même à Bruno qu’il lui montrera un film « avec des meurtres en vrai ». Sans se livrer pour autant à un réquisitoire unilatéral (on conçoit que ce discours puisse laisser perplexe), le film met le doigt sur l’influence que peuvent avoir les films sur leur public. L’appartement de Jean-Roger, qui manie comme son père les armes à feu en reproduisant les gestes de la mythologie du western, est couvert d’affiches ou d’objets ayant trait à un cinéma populaire violent et/ou propageant l’idéologie individualiste que défend le père.
L’exception érotique
S’il n’occulte pas le rapport étroit que peuvent entretenir pulsion sexuelle et pulsion de mort, Brisseau ne les met pas sur un même niveau de représentation : alors qu’il esquive la violence explicite, il esthétise au contraire l’image du corps nu de la femme. Ce sera le grand paradoxe de son cinéma, habité par l’obsession du corps féminin conduisant les hommes à leur perte (jusqu’à en faire le sujet principal des Anges exterminateurs) : malgré le danger inhérent à toute fuite dans le fantasme, il entrevoit la grâce dans la beauté mystérieuse du sexe. D’où un rapport ambigu au corps féminin, sublimé jusqu’à frôler la phobie de l’imparfait, du singulier. Si le fantasme fait sujet chez lui, et que lui reprocher une esthétique Playboy chichiteuse est par conséquent absurde, on est en droit de préférer la franchise de certains pornos, ou du moins un rapport plus décomplexé au corps – vers lequel tend, peut-être en raison de sa lumière moins caressante, Choses secrètes. On notera avec regret que jamais, depuis Un jeu brutal et ses plans magnifiques sur le corps nu de Pascal observé et caressé à distance par Isabelle, Brisseau n’a plus osé faire du corps masculin un objet érotique…
C’est que Brisseau est aussi un curieux observateur des rapports hommes-femmes. Pas toujours des plus plaisants, il a pourtant le mérite de s’y coltiner avec un regard incisif, partial et honnête, se souciant peu du politiquement correct. Il a beau entériner une vision un peu éculée de la masculinité (voyeurisme, impuissance, violence) et de la féminité (exhibitionnisme, douceur, calcul) – déplacée d’ailleurs dans Un jeu brutal dans un personnage étrange (le domestique gentil mais un peu mou qui aime se travestir en robe) –, il n’en offre pas moins aux femmes de véritables personnages, souvent moteurs de l’action. S’il leur attribue une part de responsabilité, il n’occulte pas l’oppression qu’elles subissent, soumises à l’exploitation, à la possession, au harcèlement. Mais il n’est jamais aussi touchant que lorsqu’il oublie le regard des hommes pour se concentrer sur d’autres enjeux, faisant des personnages féminins, de leurs relations et de leurs découvertes sensuelles ou mystiques, le cœur de ses films : c’est ce qu’il réussit si bien dans Un jeu brutal et dans Céline.
Conclusion
Le cinéma de Brisseau, pour être indéniablement singulier, ne surgit pas ex nihilo. L’assurance implacable des cadrages et des mouvements qui guident le regard et privilégient les enjeux avec élégance et intensité, au point de conférer une charge presque métaphysique au moindre objet, naissent de toute évidence de sa connaissance intime du cinéma d’Hitchcock. Il bride cette propension à la fluidité virtuose par une sécheresse solennelle, une mise en place rigoureuse des corps et un morcellement hérités de Bresson, ainsi que par un jeu d’acteur singulier, à la fois un peu « faux » et très sincère, qui n’est pas sans rappeler Rohmer et qui introduit un flottement, une émotion trouble dans les blocs de signification taillés par la caméra. Ajoutons à cela un naturalisme fantastique et cruel tout buñuelien, et cela donne une vague idée de son bagage formel. Mais la force de son cinéma est de digérer ses références en un panachage unique qui ne s’autorise aucun clin d’œil appuyé et s’affranchit de toute ombre, creusant un réseau d’obsessions personnelles.
Brisseau a une capacité bouleversante à dépouiller les clichés de leur surcharge sémantique et à éclipser toute invraisemblance en focalisant, avec autant de sobriété que de lyrisme, toute son attention sur les personnages et sur leurs rapports : le fait que ces derniers vivent ce qu’ils vivent importe, émeut et questionne alors plus que sa possibilité même. On peut bien parler de caricatures ou de symboliques lourdingues, ce cinéma porte avant tout le sceau de la complexité et de l’ambiguïté. Les personnages disposent malgré un certain fatalisme d’une belle marge de liberté, et une grande diversité de forces en présence s’affrontent. Brisseau ouvre même un large espace à la parole inquiétante ; il la laisse séduire en la plaçant par exemple dans la bouche de personnages aussi antipathiques que charismatiques (comme ceux joués par Cremer), sans oublier de tempérer ce charisme par la folie paranoïaque ou la brutale intolérance, et de lui opposer la voie de la tendresse et de la compréhension. N’en déplaise aux esprits chagrins, supérieurs et rationalistes qui trouvent tout cela ridicule, il y a là du grand art.
Les DVD
Leur qualité permet d’apprécier le travail unique de Brisseau sur la lumière, avec Bernard Lutic dans Un jeu brutal, puis Romain Winding (qui l’accompagnera jusqu’aux Savates du Bon Dieu) dans De bruit et de fureur. Il obtient d’eux une lumière à la fois brute et douce, éprise de beauté sans esthétisme et bénéficiant d’un sens aigu de la composition architecturale du cadre. Lequel sait capter la froide beauté des lieux autant qu’il emprisonne les personnages dans un univers oppressant.
En bonus, une rareté : L’Échangeur, dont le titre fait référence à celui de Bagnolet, à l’ombre duquel vit cette jeunesse à la dérive que Brisseau filmera à nouveau dans De bruit et de fureur. L’imposant long métrage est déjà en germe dans ce court téléfilm qui concentre la plupart des motifs déclinés tout au long de son œuvre, mais d’une manière plus résolument sociale, presque documentaire, sur un ton très âpre non dénué de tendresse. Un garçon, tout petit mais plein d’énergie et d’ascendant sur ses camarades, y fait l’« éducation banlieusarde » d’un nouvel ami, plus effacé et passif. Avec ses camarades, il peine à l’école, méprise son professeur et joue au grand, fait du commerce d’armes, d’autoradios ou de revues érotiques et organise le strip-tease payant d’une jeune femme. Sur une mélodie sentimentale au synthétiseur, déjà entendue plusieurs fois au cours du film, on assiste au ralenti de la jeune fille qui se dénude en se déhanchant vaguement, vainement : le ridicule, le sordide, la beauté suspecte, l’élégie sont déjà là. Moins maîtrisé que l’œuvre à venir du cinéaste, mais d’autant plus troublant.
Autres compléments de programme : des entretiens avec Brisseau, où le cinéaste, massivement planté dans un fauteuil, tout en prétendant ne pas vouloir tout expliquer, s’avère un exégète redoutable de sa propre œuvre – où, par miracle (ou pas…), toutes ses intentions prennent chair. Cette lecture assez balisée est un cauchemar pour le critique de cinéma et peut s’avérer un rien étouffante pour le spectateur souhaitant se livrer à ses propres interprétations… On trouve également un making-of de De bruit et de fureur, de qualité moyenne. Où l’on remarque des éléments que Brisseau a écarté au montage (sur le tournage, par exemple, Bruno discutait avec l’apparition, muette dans le film), et où l’on voit un cinéaste sûr de lui mais sachant s’adapter à la réalité du tournage, qu’il transfigure avec talent à travers sa mise en scène.