1955 : Howard Hughes, l’excentrique milliardaire expert en aviation et en starlettes de cinéma, contrôle de sa main de fer le petit studio RKO. Le déclin est plus qu’évident depuis les glorieuses années 1930, et la RKO n’a plus que quelques temps à vivre. Il ne s’agit plus alors d’enchanter les futurs cinéphiles avec des Impossible Monsieur Bébé ou des Citizen Kane, mais d’économiser sur la technique et le cinéma pour mettre en valeur les jolies poupées dont monsieur Hughes s’est fait l’agent (et parfois l’amant). La Vénus des mers chaudes (titre français ridicule pour traduire l’original Underwater !) ne fait pas exception ; mais avec John Sturges (Les Sept Mercenaires) aux manettes, le film prend un tour aventurier loin d’être déplaisant.
La Vénus aux mers chaudes est un film pour Jane Russell, la plantureuse brune dont Howard Hughes s’était juré de faire une star avec le « scandaleux » Banni (The Outlaw, 1943). L’actrice pâtit pourtant sérieusement de cette association avec le producteur milliardaire, car sa carrière ne fit que décliner après la courte apothéose des Hommes préfèrent les blondes en 1953 (la blonde Marilyn lui damant le pion en quelques susurrements sensuels). Le scénario de La Vénus ne semble au départ qu’imaginé pour tirer le meilleur des « avantages » de miss Russell : deux hommes partent pour une chasse au trésor dans les bas-fonds de la chaude mer des Caraïbes, accompagnés de deux donzelles, dont Jane, qui en profite pour se dévêtir au maximum, même lorsque le maillot de bain n’est pas requis. On imagine bien monsieur Hughes urgeant le cinéaste, John Sturges, aux gros plans les plus audacieux sur les mini-shorts moulants portés par l’actrice…
Ainsi, les premières minutes de La Vénus…, avec leur esthétique des années 1950, mêlée à une photographie assez sommaire (le Technicolor a rarement été aussi laid, mais il faut dire à la décharge du chef opérateur que les plans sous-marins, très nombreux, n’aident pas), prennent d’abord l’air d’un Flipper le dauphin faussement érotique. Miss Russell, chargée d’interpréter une Hispanique – et bronzée à souhait – ne parvient pas à cacher son fort accent de provinciale américaine derrière des efforts à l’évidence sincères pour convaincre de son bilinguisme anglo-espagnol. Et pourtant, la mayonnaise prend assez rapidement, passées les premières scènes d’égarement devant tant de kitsch et d’invraisemblance à peine involontaire.
Il faut dire qu’il est assez étonnant de voir un film des années 1950 constitué presque pour moitié de scènes aquatiques, plutôt bien dialoguées (voix-off du héros, sons émis à travers le masque de plongée par les personnages), un véritable tour de force pour une série B ne disposant certainement pas des moyens du Grand Bleu. Mis à part les quelques séquences longuettes de déclarations d’amour entre un héros un peu falot et une héroïne trop sexy, le film d’aventures en tant que tel fonctionne à merveille, ne faisant pas honte au genre, qui vit alors son âge d’or. On tremble avec les trois plongeurs, guettés par plus de dangers qu’Indiana Jones et Luke Skywalker réunis : les requins (qui se promènent tranquillement dans le plan avant d’apparaître comme de potentiels dangers), les chasseurs de requin, l’effondrement du galion enfoncé dans une falaise, l’étrange maladie propre au plongeur – ou les quatre simultanément, ce qui fait beaucoup pour un seul homme !
La morale finale est un peu cheap, à l’avenant du reste, mais La Vénus des mers chaudes ravira les amateurs d’exotisme hollywoodien en quête de nouvelles sensations. Dommage que Serge Bromberg – dont les présentations n’ont plus rien à envier à celles de Patrick Brion au Cinéma de minuit – n’ait pour une fois pas honoré le DVD de ses lumières.