La première partie de Barbare de Zach Cregger contient une séquence terrifiante et ludique, qui nous invite à descendre dans l’abîme pour renouer avec une forme d’horreur primitive : la peur du noir.
La scène débute sur une situation archétypale : un personnage descend dans une cave, dont la porte se ferme à clef derrière son passage. Tess (Georgina Campbell), une documentariste de passage à Détroit, se retrouve coincée dans le sous-sol de sa maison de location, isolée au milieu d’un quartier désaffecté. En fouillant la pièce dans laquelle elle vient d’être piégée, la jeune femme tire sur une corde accrochée au mur et ouvre, involontairement, un passage secret. Première bascule horrifique, qui nous rappelle à quel point le cinéma d’épouvante est parfois simplement une affaire d’espace : il fallait d’abord qu’une porte se ferme, puis qu’une autre s’ouvre, pour que la zone d’où peut surgir l’horreur s’en trouve redéfinie. Déplaçant les enjeux d’un film qui jusqu’à présent misait plutôt sur une tension hitchcockienne (un simili Norman Bates un brin collant, joué par Bill Skarsgård, partage l’appartement avec Tess), la révélation est d’autant plus effrayante que le passage ouvre sur un gouffre d’une noirceur telle qu’il est impossible d’imaginer, en l’état, ce qui s’y cache. Sans téléphone ni lampe torche pour éclairer le tunnel, Tess a l’idée de jouer avec la lumière, en positionnant sous un plafonnier un miroir qu’elle oriente vers les ténèbres. À la faveur d’un rayon lumineux, elle aperçoit les contours d’un inquiétant couloir, au bout duquel elle discerne la poignée d’une porte. Après quelques pas dans le noir, Tess s’approche de la pièce concernée puis appuie sur un interrupteur pour découvrir, stupeur, un lit de fortune au milieu d’une pièce lugubre, à côté d’une caméra et d’un seau. L’horreur surgit ici en pleine lumière (blafarde, clinique), tandis que l’obscurité semble tout à coup plus réconfortante que cette chambre de torture éclairée à la linolite, dont les murs portent l’empreinte d’une main ensanglantée.

La suite de la séquence exacerbe cette logique d’extension macabre, où découvrir un nouvel espace équivaut à prendre le risque de s’ouvrir à l’effroi le plus indicible. Une fois que son colocataire, Keith, lui a déverrouillé la porte de la cave, Tess tente de prendre la fuite, mais son allié de circonstance insiste pour qu’elle l’attende au rez-de-chaussée tandis qu’il s’aventure en direction du sous-sol. Keith ne répondant plus à ses appels, Tess se lance alors désespérément à sa recherche et découvre un passage supplémentaire, tapi au fond du couloir ténébreux : un épouvantable escalier qui pointe vers une galerie plongée dans l’obscurité la plus totale.

Cregger livre ici une leçon d’horreur primale à laquelle fera écho, dans la deuxième partie du film, une scène où l’insouciant propriétaire des lieux (Justin Long) ambitionne de mesurer ces mêmes cavités à l’aide d’un mètre ruban, avant d’en être empêché : la peur, dans Barbare, provient en premier d’une cécité et d’une incapacité à cartographier mentalement les lieux. Le monstre y est avant tout cette obscurité impénétrable qui rend l’espace immesurable.