C’est un étrange film grec qu’il nous a été donné de voir en compétition. Voyez plutôt : au fin fond de la Thessalie se dressent face à face deux immenses rochers, abritant chacun un monastère. La séparation des sexes est de rigueur, et hommes et femmes se regardent en chiens de faïence d’un monastère à l’autre. Le réalisateur grec Spiros Stathoulopoulos déploie une impressionnante mise en image de ce décor marmoréen, tout en ciel crépusculaire et soleil éclatant, avec un recours régulier à des séquences d’animation qui figurent le lieu de l’intrigue enserré par le Paradis et l’Enfer. Car ce sont bien malheureusement des semelles de plomb que le cinéaste enfile, multipliant les signes d’une imagerie symbolique pieuse (les icônes, le pain, une lumière divine, un berger…) à travers le récit des turpitudes d’un moine à l’allure christique, qui s’adresse en une voix off emphatique à Dieu.
Le syndrome Tree of Life n’est jamais loin, d’autant plus qu’entre les deux rochers se trouve un olivier, au pied duquel le moine cèdera au péché de la chair avec une nonne orthodoxe. Prêchi-prêcha métaphysico-théologique sur la tentation et la culpabilité, Metéora prend très au sérieux son sujet, et développe le fil de son intrigue avec une lourdeur qui peine justement à le rendre crédible. Entre les rêveries psychanalytiques de nos deux tourtereaux (à base de crucifixions et de descente aux Enfers) et la description aride de cette vie d’ascète, le film réalise un grand écart dont il ne peut se relever. Stathoulopoulos fait pourtant preuve d’un véritable talent de mise en scène lorsqu’il décide de donner dans la sobriété (un long plan fixe figurant une convaincante séquence de déjeuner sur l’herbe, la captation caméra à l’épaule du quotidien des paysans et bergers du coin), et d’une certaine acuité dans la direction d’acteurs. Mais l’inspiration ostensiblement picturale du film l’empêche tout simplement de décoller vers d’autres cieux.