On ne compte plus, à Cannes, les sélections « parallèles », des plus médiatiques aux plus obscures, des plus légitimes aux plus artificielles. Cette année, la Semaine de la critique avait rendez-vous avec 32 jeunes cinéphiles, entre 15 et 18 ans, qui allaient autant apprendre les ficelles du métier qu’apporter un sang neuf à la discipline – une démarche quant à elle parfaitement légitime. Deux membres du jury reviennent pour nous sur leur expérience.
V.A. : Pourquoi avez-vous postulé auprès du jury de la jeune critique ?
Philippe Meistermann : Lorsque notre professeur a évoqué la possibilité d’assister à la Semaine Internationale de la Critique au sein d’un jury composé de jeunes allemands et français on a été deux personnes a s’y intéresser immédiatement : une amie qui aimerait éventuellement faire carrière en tant que réalisatrice et moi, qui suis cinéphile et m’intéresse à la critique en général, qu’elle soit critique de cinéma, littéraire, gastronomique ou de musique. De plus par mon bilinguisme j’ai été saisi par un certain enthousiasme face à un échange franco-allemand et la rencontre de jeunes d’un peu partout dans nos deux pays dans un environnement aussi formidable que celui de Cannes.
Laura Desèbe : C’est mon professeur d’allemand qui m’a parlé du concours. J’ai tout de suite sauté sur l’occasion, car je suis une grande fan du festival de Cannes que je suis chaque année : c’était inespéré pour moi ! Par la suite, j’ai compris que cela pouvait être une expérience inoubliable et exceptionnelle, et un projet concret pour mes études de cinéma audiovisuel.
V.A. Votre regard sur la critique a t‑il changé, par rapport à avant le festival ?
Laura Desèbe : Pas tout à fait. J’avais déjà fait plusieurs critiques dans le cadre de mes cours de cinéma audiovisuel, j’ai en revanche appris à moins analyser l’image mais à parler du fond comme de la forme.
Philippe Meistermann : Oui ! J’étais conscient que de rédiger une critique n’était pas chose facile, mais je me suis rendu compte de plus que le métier de critique induisait également d’être attentif durant la projection d’un film aux diverses « figures de style » cinématographiques, aux références et à tous les détails de l’intrigue. Je crois qu’on fait rarement attention à tous les petits clins d’œil qu’un réalisateur peut nous faire en temps normal ! La critique n’est plus pour moi qu’une simple façon d’exprimer son avis ou de donner un conseil, c’est devenu une discipline, une science, un art à part entière !
V.A. : Quel est selon vous le rôle du critique ?
Laura Desèbe : Le rôle de la critique, à mon avis, ne doit pas s’arrêter au « j’aime » ou « j’aime pas ». Cela doit être une suite du film, une interprétation de l’image, de l’histoire, des personnages.
Philippe Meistermann : Selon moi, les rôles de la critique sont très divers. Durant la semaine j’ai appris à savourer la critique après un film : il y avait des films qui ne révélaient leur sens à mes yeux qu’à travers la critique ! J’ai l’impression que d’écrire une critique n’est pas nécessairement le fait d’étaler son savoir. C’est aussi une façon d’enrichir un film, de lui donner un sens qui n’est pas forcément partagé par tout le monde : c’est réellement une interprétation cinématographique. Que l’on ait apprécié un film ou pas, la critique est toujours un avis personnel !
V.A. : Quel est votre meilleur souvenir du Festival ?
Philippe Meistermann : Il y en a tellement ! Comment choisir un souvenir entre 14~400 minutes de pur bonheur ?!
Laura Desèbe : C’est une question très difficile ! Les films Ordinary People et Lascars sont deux très bons souvenirs, tout comme ma première montée des marches pour Ne te retourne pas. J’ai aussi beaucoup apprécié les restaurants avec tout le monde. En fait, je pense que le séjour en entier est un énorme souvenir.
V.A. : Est-ce que vous voulez poursuivre dans la voie du cinéma ?
Laura Desèbe : Je ne sais pas encore. Je pense poursuivre dans la voie du cinéma, mais pas dans celle de la critique.
Philippe Meistermann : Je ne sais pas… J’adore le cinéma, c’est une de mes passions ! Mais j’ai pu avoir un aperçu du business durant la Semaine et je crois qu’il y a là, dehors des centaines de personnes, que ce soit du réalisateur, metteur en scène, scénaristes, ou techniciens du son et de la lumière, qui ont bien plus de talent et d’ambition que moi ! Pourquoi pas la critique ? Je crois que je vais prendre tout mon temps !
V.A. : Que représente le cinéma pour vous ?
Philippe Meistermann : On parle de 7e Art… et je confirme ! Le cinéma c’est de l’art, dans toutes ses facettes, qu’on évoque un sujet grave, qu’on fasse la critique de notre société ou qu’on réalise une œuvre pleine de poésie, de beauté et d’images frappantes ! C’est le mélange de tous ces composants qui fait du cinéma une façon d’émouvoir, de choquer, d’exprimer, de démontrer, d’agacer, d’énerver, d’enthousiasmer, d’être Homme. Mais c’est aussi la réunion d’un certain nombre de personnes dans une salle ou devant une télévision, un rassemblement de personnes aux goûts et envies toujours différents, aux avis divergents. N’oublions pas que le cinéma est un lieu de rencontre, un endroit de la vie communautaire. Que ce soit pour le divertissement ou la culture.
Laura Desèbe : Le cinéma est pour moi un grande passion. J’adore regarder des films et pouvoir en parler après. C’est un art à la croisée des arts, qui est une fenêtre sur l’imagination de personnes toutes plus différentes des une des autres. Mais c’est aussi une fenêtre sur l’imagination de la personne qui regarde le film. C’est une manière de se détendre, de réfléchir, de « voir », et tant d’autres choses. Un film est une poésie d’un tableau composé avec les plus belles notes possibles.