Nuits d’ivresse printanière du Chinois Lou Ye aurait pu se faire bouffer par son audacieux enjeu de représentation. L’homosexualité masculine – un tabou encore très sensible en Chine – est typiquement le genre de « sujet de société » susceptible de voler la vedette aux personnages, au récit. Et filmer un « sujet », franchement, il n’y a rien de plus ennuyeux au cinéma. Heureusement, au bout d’une vingtaine de minutes, le cinéaste parvient à le mettre de côté pour nous dresser le portrait d’un séducteur, un dandy baudelairien d’une beauté irradiante, qui fait littéralement des ravages : dérobant les jeunes garçons à leurs petites amies « officielles », il détruit leurs couples pour quelques nuits d’amour. S’en suit toute une lignée de catastrophes, de crises, de cris. On apprécie l’habileté du cinéaste à manier les croisements de près de sept personnages, tout aussi importants, sans verser pour autant dans une veine chorale. En revanche, sa pauvre caméra portée fait preuve d’un désœuvrement et d’un manque d’inventivité symptomatiques d’un certain académisme « world » : des tics, des faux frémissements, du vu de loin tremblotant, du non-choix. Bref, rien d’inattendu. Il n’empêche : il se dégage de tout cela une forme de tristesse maladive, une atrabile amère soutenue par le parti-pris, à la lumière, d’une sous-exposition délavée qu’ensoleille une équipe de jeunes comédiens radieux. Il se passe tout de même quelque chose.