Parmi les 160 courts-métrages présentés cette année en compétition au festival de Clermont-Ferrand, les sections nationale et internationale incarnaient les catégories les plus saisissantes, tant la série « Labo » témoignait d’une tentative d’expérimentation trop abusive pour être réellement pertinente. Marqué par une quête maladroite d’exhaustivité, aboutissant généralement à des regroupements thématiques superflus, le festival maintenait toutefois un intérêt certain dans son large choix de films, entre les compétitions dites « officielles » (nationale, internationale, et « laboratoire ») et les catégories parallèles (New York University, Adami, Nikon…), qui permettaient de compléter la programmation en créativité et originalité.
Nous reprendrons néanmoins ici une sélection subjective de courts-métrages présentés en compétition nationale et internationale.
COMPÉTITION NATIONALE : LA BONNE SURPRISE
Demolition Party de Claire Burger et Marie Amachoukeli
Très certainement la plus belle trouvaille de cette nouvelle édition. Décembre 2012 : Salomé s’ennuie, et semble touchée par la même incertitude adolescente face à son devenir que Jean-Benoît, qui apparaît tout de même plus angoissé. Heureusement, la fin du monde approche. Très remarquées au festival pour leurs précédentes réalisations (Forbach et C’est gratuit pour les filles), les deux cinéastes – travaillant toujours en binôme – poursuivent une exploration extrêmement sensible de l’adolescence et du délicat passage à l’âge adulte. Le désenchantement est moins matériel que finalement idéologique, prenant la forme d’un questionnement spirituel, plus subtil que les préoccupations apparentes des protagonistes. La direction d’acteurs est extrêmement précise, et privilégie une nouvelle fois une liberté d’improvisation, comme pour mieux cristalliser une spontanéité adolescente qui assiste progressivement à l’effondrement de ses propres repères.
Scars of Cambodia (Cicatrices du Cambodge) de Alexandre Liebert
Prix de la Meilleure Musique Originale (SACEM), Prix de la Meilleure Photographie (Nikon)
Un pêcheur de cinquante-deux ans raconte pour la première fois, malgré la barrière de la langue, les tortures subies sous les khmers rouges, l’année de ses quinze ans.
Sans aucun dialogue, le court-métrage est l’évocation muette de mutilations, et laisse place à un silence glacial, ponctué régulièrement par un « zoom » abusif sur des images fixes. Malgré ce maniérisme, le film n’en demeure pas moins un témoignage troublant, très largement servi par une photographie remarquable.
Trucs de gosse de Émilie Noblet
Prix Canal +
L’efficacité est parfois synonyme de légèreté. C’est ce que tend à démontrer ce court-métrage, qui aborde le rapprochement amoureux entre une jeune femme au caractère bien affirmé (interprétée par la pétillante Laurie Lévêque) travaillant dans un cinéma, et un jeune homme venant tout juste d’être embauché par le même établissement. Malgré quelques tics de réalisation lui prêtant des allures de film légèrement codifié (notamment à travers des séquences musicales trop longues), le court-métrage parvient à compenser ce défaut par un rythme extrêmement efficace et des dialogues vifs.
Oripeaux de Sonia Gerbeaud et Mathias de Panafieu
Repartant injustement bredouille du festival, ce court-métrage d’animation profite d’une thématique propre à la fable écologique (le rapprochement entre une jeune fille timide et une meute de coyotes est compromis par un groupe d’hommes violents), afin de tisser un propos certes moralisateur, mais qui contraste très largement avec l’exploration subtile d’une jeune femme en quête d’affirmation.
COMPÉTITION INTERNATIONALE : AUDACE ET RÉCURRENCE THÉMATIQUES
Pride de Pavel Vesnakov
Grand Prix
Lorsque Manel, ancien travailleur acharné maintenant à la retraite et grand-père attentif, voit ses certitudes s’effondrer lorsqu’il apprend que son fils est peut-être homosexuel.
S’il n’est guère novateur dans son intrigue, ce court-métrage bulgare bénéficie d’une réalisation extrêmement personnelle et pertinente, qui explore la confrontation entre un grand-père et son fils afin de tisser en filigrane le portrait d’un pays partagé entre la nécessité de mutation et la conservation de ses valeurs.
The Boy (Le Garçon) de Ji-Yeon Jung
Sur le chemin de son travail, un homme observe furtivement le visage d’un jeune garçon, entre pudeur et fascination. Sous des allures de comédie romantique, le film s’apparente davantage à un film ovni, qui mêle le rapprochement amoureux à la quête d’inspiration d’un homme se livrant en secret et en marge de son travail, à des activités d’écriture. La réalisation profite du format court (le film durant à peine 12 minutes) afin de proposer une série d’instants volés, qui stigmatise l’extrême timidité d’un homme solitaire.
Meu Amigo Nietzsche de Fauston da Silva
Prix du Public, Prix du rire Fernand Raynaud
Lorsque Lucas, un jeune enfant sans histoires, découvre Nietzsche et décide d’appliquer minutieusement les préceptes enseignés par l’étude du philosophe, il provoque une série d’événements qui vont bouleverser son quotidien et celui de ses proches. Le court-métrage explore moins l’importance supposée de la philosophie que la progressive affirmation d’un jeune enfant qui tente de se donner des moyens d’emprise sur un réel souvent incompris.