Pour accompagner la rétrospective complète des films de Jacques Tati à la Cinémathèque française, l’institution propose une alléchante exposition. On y accède par un ascenseur digne de Playtime. « Ding ! » Cinquième étage.
L’univers de Jacques Tati sur 650 m², en voilà un beau défi quand on sait que 15000 furent nécessaires pour créer le monde du pharaonique Playtime, chef d’œuvre maudit du réalisateur. Ce fut sans doute, pour Macha Makeïeff et Stéphane Goudet, un beau casse-tête. Et, n’y allons pas par quatre chemins, il n’a pas été résolu. Un peu comme les parcs France-miniature, on a droit à un mini-Tatiworld, un espace coloré cacophonique ouvert avec des néons lumineux thématiques. Visuellement, l’ensemble a de l’allure. Mais plutôt qu’une véritable exposition, il s’agit plutôt d’un parcours qui viendrait ponctuer, agréablement et de manière ludique, la projection d’un film de la rétrospective. Les commissaires interviennent de deux manières. Le long d’une enfilade d’écrans et face à des sofas, les leçons de Stéphane Goudet en professeur ringard sont amusantes, pédagogiques et dignes d’intérêt, même s’il faut de la patience pour y goûter le derrière confortablement posé. On ne peut pas dire la même chose des sculptures de Macha Makeïeff qui trônent ici et là. Voilà qui ressemble à une coquetterie assez irritante. On aurait aimé que l’immensité de cette pipe soit celle de l’ambition de cette exposition.
Pour autant, il ne faut pas dissimuler le plaisir que l’on a de trouver ces documents originaux ; dessins et affiches de Pierre Étaix, croquis préparatoires du complice Jacques Lagrange. On s’intéresse aussi à la généalogie comique, avec des parallèles en direction de Linder, et bien sûr de Keaton. Ce dernier livrant cet hommage aussi grand que légitime : « Tati a commencé où nous avions terminé. » Parmi les autres pièces, du mobilier évidemment, et l’on retrouve la très belle maquette de la Villa Arpel, réalisée à l’occasion d’une exposition à la Maison de l’Architecture en 2002. Et c’est avec beaucoup d’émotion que l’on découvre sur un écran des répétitions, dans lesquelles Tati mime et règle avec une grâce extrême la gestuelle des différents comédiens. On accède ici à l’essence de l’art du réalisateur : l’engagement corps et âme, le perfectionnisme et la rigueur. Partant de là, on ne peut pas dire que l’exposition soit à cette image. Pour cet esthète de la hiérarchisation du plan, rien de cela ici. On peut notamment déplorer que le souci de l’identité visuelle se soit fait au détriment de l’environnement sonore, ici confus et plutôt pauvre. Le génie du réalisateur de Jour de fête mérite et nécessite sans aucun doute une autre configuration, de celle qui fut offerte à Hitchcock au Centre Pompidou.
En guise de conclusion, un bref entretien a été mené avec Pierre Bonnaud, un visiteur de trois ans et demi, qui s’est bien marré quand il a fallu mettre des casques de chantier pour écouter un sonorama :
Qu’est-ce que tu as aimé ?
Eh bin, le vélo avec le tracteur… la fumée avec sa pipe… plein de choses, et voilà !
Huit euros, n’est-ce pas un peu cher ?
Oui.