Adieu la Palme, bonjour le Swann. Décidément, la Normandie aime le cinéma. Vous en avez assez de Cannes et vous êtes déjà allé à Deauville. Mais connaissez-vous Cabourg ? Depuis vingt ans, acteurs et cinéastes se retrouvent sur la plage de Cabourg à l’occasion du Festival du film romantique. Du 8 au 11 juin, le Festival a fêté son vingtième anniversaire sous le patronage de Sandrine Bonnaire et de Guillaume Laurant. Lors de la remise des prix, Romanzo Criminale de l’Italien Michele Placido et Bahia, ville basse du Brésilien Sergio Machado se sont distingués tandis que Michel Blanc et Cécile de France recevaient chacun un Swann d’or. On y était, on vous dit (presque) tout. En version « plage » et en version « films », sous-titrées.
Cabourg… côté plage
Si le jury du Festival de Cannes n’a pas été sensible, cette année, aux macarons de Sofia Coppola, le Festival du film romantique de Cabourg, accueillait en grande pompe la crème du cinéma français. En trois jours, la petite station balnéaire, chère à Marcel Proust, a non seulement déroulé le tapis rouge, mais gonflé un écran géant pour des séances de ciné-plage. Parmi les personnalités présentes, on a pu apercevoir Emmanuelle Béart, Sandrine Bonnaire, Guillaume Laurant, Michel Blanc, Vincent Lindon, Anna Mouglalis, Cécile de France ou encore François Ozon. À Cabourg, à quoi sert un tapis rouge quand on sait que les stars aiment s’ensabler les pieds face aux photographes et porter un regard nostalgique et lointain en direction de la mer ? Il est 19h00. Sur la plage, c’est l’heure du photo-call. On installe l’écran géant et les vedettes font leur show, cheveux au vent, orteils dans l’eau. Les flashes des photographes crépitent et le soleil darde ses derniers rayons sur les vagues. À côté, le ballon géant, balancé par le vent tangue drôlement, on a presque peur que vedettes et journalistes se prennent un coup d’écran. Dans quelques heures, la mer aura effacé les traces laissées par tout ce beau monde et le ballon-écran aura fait pschitt. En attendant, rendez-vous au Grand Hôtel pour le dîner d’inauguration. L’élégance du cadre jure un peu avec l’ambiance bon enfant. Entre le fromage et le dessert, les mélopées de Bernard Lavilliers ajoutent une note de mélancolie passéiste à un décor déjà bien irréel. Stéphane Bern nous réveille à coups de micro et se lance dans l’animation de la tombola. Soirée chic pour animation choc !
Cabourg… côté films
Pendant les journées ensoleillées, c’est dans les salles obscures que l’on peaufine son bronzage. Au programme, on voyage à travers le Brésil, l’Inde, les États-Unis, l’Égypte, l’Allemagne. Huit films sont présentés en compétition officielle : Bahia, ville basse du Brésilien Sergio Machado, Black quatrième long métrage de Sanjay Leela Bhansali, réalisateur de Devdas, Echo Park, L.A. de Richard Glatzer et Wash Westmoreland, L’Immeuble Yacoubian, film égyptien de Marwan Hamed, Un été à Berlin d’Andreas Dresen. Parmi ces films en compétition, trois long métrages français sont projetés : Qui m’aime me suive de Benoît Cohen, On va s’aimer d’Ivan Calbérac et Paris je t’aime, présenté en ouverture de la section Un certain regard au Festival de Cannes, il y a quelques semaines. Le jury plutôt hétéroclite était composé de trois réalisateurs (Nils Tavernier, Julie Lopes-Curval, Brigitte Roüan), deux comédiennes (Catherine Jacob, Caterina Murino), de l’illustratrice Soledad Bravi et de l’écrivain Pascale Roze.
Si les films français n’ont pas séduit par leur originalité, c’est hors de l’Hexagone que l’on part à la recherche du film à découvrir. En ce sens, les Journées Européennes qui proposent un petit panorama de films venus d’Islande, de Hongrie, de Belgique ou d’Allemagne, mises en place il y a quatre ans, sont une belle initiative. Kontroll du Hongrois Nimród Antal version romantico-techno de Big Brother nous projette dans les couloirs du métro de Budapest. On sort de la projection un peu étourdie, faussement abasourdie par une esthétique trop proche du clip. Néanmoins, ce film, tour à tour sombre et désopilant, offre une vision métaphorique de la société hongroise à partir d’un sujet inattendu et ausculte les malaises d’un pays. Dans la série des films en provenance d’Europe de l’est, on aurait bien aimé voir Dallas Pashamende, deuxième long métrage du réalisateur roumain Robert Adrian Pejo. Malheureusement le film n’a pas pu être projeté pour cause de problèmes techniques…
Retour sur la compétition et le palmarès du Festival. Un palmarès étrange, en demi-teinte, à cheval entre gros succès populaires réchauffés et tentatives de découvertes. Enfin, bref, pas de quoi réveiller Marcel Proust dans sa tombe. Un choix qui devient carrément contestable lorsque le Prix de la révélation masculine de l’année est attribué à Lorànt Deutsch pour… un téléfilm ! Mais, le grand vainqueur inconnu du Festival n’est autre qu’un Brésilien, Sergio Machado, dont le film Bahia, ville basse a raflé le Grand Prix du Festival et le Prix de la Jeunesse. Plaire à un jury de professionnels et à un jury composé de jeunes cinéphiles, c’est une jolie promesse de cinéma. Ce film de sueur et de sang met en scène un triangle amoureux et les relations sensuelles, impossibles entre Karina, une toute jeune strip-teaseuse, Deco et Naldinho deux magouilleurs, amis d’enfance. Sergio Machado filme, caméra à l’épaule, l’exacerbation des sentiments et la violence de jeunes corps qui se désirent et se déchirent. Un film, certes, insolite dans ce curieux alliage de pudeur et de crudité mais qui manque encore un peu de maturité. Ce premier long métrage, produit par Walter Salles, avait déjà remporté le Prix de la Jeunesse à Cannes en 2005. Avec Bahia, ville basse ou Echo Park L.A. (qui a reçu la mention spéciale), les jurés ont choisi de primer des histoires d’adolescents, des œuvres qui nous content le difficile passage à l’âge adulte, l’une plantée au Brésil, l’autre dans la communauté latino de Los Angeles. Pas de jeunes filles en fleurs, donc, sur les écrans de Cabourg mais des jeunes en proie aux difficultés de l’existence, évoluant dans un univers souvent hostile à leurs aspirations.
C’est sous le signe de la jeunesse que le Festival a fêté son vingtième anniversaire. Michel Blanc, tout content, a reçu le Swann d’or du meilleur acteur ainsi qu’un traitement anti-âge gentiment offert par la maison Dior. Ouf, il est encore temps de retrouver le temps perdu. Pour l’année prochaine, nous suivrons la suggestion de Jacques Gamblin : innovons en proposant un festival sans prix. Mais avec toujours plus de produits. Exit les Swann d’or. Qui remportera le concentré ventre plat ?