Après le vaudeville libre (Va savoir) et l’adaptation tout aussi libre de Balzac (Ne touchez pas la hache), Jacques Rivette revient à son amour de l’expérimentation cinématographique et de la plongée dans les codes incertains du cinéma. Mais l’expérience, ici, ou la réflexion, reste profondément hermétique eu égard au ton poseur parfois très cliché des dialogues et du sens qui en ressort.
On avait retrouvé dans les années 1990 et au début du nouveau millénaire un Rivette en pleine forme, jouant justement de ces codes, et prouvant ainsi que la génération sexagénaire et octogénaire tenait bien la route au milieu des Chabrol, Resnais et donc Rivette. Admiratifs devant tant de capacité à se renouveler et à intriguer encore et toujours, on attend le Rivette comme les grands crus. Et pourtant, si une fois n’est pas coutume, on se serait bien passé de ce cru 2009… engoncé dans un hermétisme et un discours lessivé (l’art, c’est la vie ; le cinéma, c’est du divertissement pascalien…), on regrette de voir l’ingéniosité d’un réalisateur tel que Rivette se fourvoyer dans des poses qu’on ne lui connaissait plus depuis quelques années. L’art a ici son temple : il s’agit d’un cirque familial promis à une fin proche pou cause de faillite financière. Il a aussi ses visages et ses fonctions : la comédie et ses démons tragiques, les clowns, les chemins tortueux des équilibristes… Voulant faire le portrait d’un cirque en forme d’art poétique, Rivette ennuie et énerve.
L’histoire est simple ‑ce qui n’est pas en soi un facteur d’insuccès évidemment- : Kate (Jane Birkin, assez inexpressive malheureusement) n’a pas mis les pieds dans le cirque familial depuis l’accident mortel de son amant vingt ans plus tôt… Elle revient aujourd’hui pour sauver le cirque qu’elle a, semble-t-il, honni auparavant. Sur la route de la petite ville du sud qui clôt la tournée estivale, elle rencontre Vittorio (Sergio Castellitto, qui sauve les acteurs avec Jacques Bonnaffé) qui paraît intrigué par la vie de bohème nomade et par Kate. Quelle est la route à prendre ? Quels sont les choix dictés par l’instinct, par le ressenti éprouvé ou non par l’art ? Qui tire les ficelles du spectacle en somme… Vaste question à laquelle Rivette ne répond que par une suite de saynètes abstraites : alternant dialogues courts sans grand intérêt et scènes un peu plus longues qui ont trop régulièrement le tort de faire dans la pâte sablée réflexive pas assez reposée, chacun débite un texte sans y inclure les émotions sur lesquelles Rivette se penche. La vie, la mort, le choc, le spectacle, tout se mélange. Serait-ce le discours du film, montrer une interaction entre le vrai et le faux, une complémentarité entre le joué et le vécu ? Le principal défaut du film se trouve et dans ce discours un peu rabâché et dans l’essai quasi philosophique de son réalisateur, dans l’amalgame indigeste des thématiques et de leur développement. On préfère le Rivette faussement léger, définitivement profond que ce Rivette-là, faussement profond, et trop peu léger.