Sur le papier, les idées qui président à la création de certains films laissent rêveur. Ainsi, souvenons-nous que Pirates des Caraïbes prend son idée originale dans une attraction de fête foraine, et que le film, de ce point de vue, ne manque pas d’intérêt. Pourtant, c’est le sourcil gauche soulevé, à la limite de la crampe, qu’on peut considérer les prémices de Battleship : adapter au cinéma la bataille navale, le jeu avec petits pions plantés dans les bâtons en plastique et les « il a coulé mon porte-avions ! ». Maudite sois-tu, idée préconçue, maudit également, sourcil sceptique ! Car Battleship, dans les limites imposées par son statut de blockbuster, n’est pas sans saveur…
Évidemment, il est bien loin le temps où, au-delà du mur berlinois, s’étendaient les Contrées de la Terreur et leur rouge soldatesque : Battleship est un film de son temps, qui ne prend pas le risque de la confrontation bipolaire. Ce n’est plus vraiment d’actualité, et surtout ce n’est plus politiquement correct. Donc, les scénaristes ont sorti de leur chapeau leur petite astuce : les méchants extra-terrestres.
Il faut bien dire qu’en termes d’astuce, c’est à peu près tout ce qu’on a à se mettre sous la dent : tout le reste, depuis l’idée de base jusqu’à la façon dont la bataille navale elle-même est incluse dans le film, du héros benêt jusqu’aux tours de passe-passe scénaristiques navrants, tout respire une grande stupidité satisfaite. Car, la grande force de Battleship est d’être un film geek pleinement assumé. Et donc, de ne pas perdre son temps à vouloir se parer d’une quelconque légitimité autre que basique.
En fait, on est là pour voir une baston, navale. Battleship est donc un film de métal, où l’acier clinquant à l’image répond à une musique au diapason : les classiques d’AC/DC. Taylor Kitsch, le bien nommé, campe un personnage parfaitement crétin, qui est entouré de seconds rôles totalement compétents, un peu à la manière d’un jeu vidéo moderne, où le côté lisse du personnage principal aiderait à l’identification. Quant à la mise en image – n’allons pas jusqu’à parler de mise en scène, voulez vous ? –, elle rejoint la mise en son : brutale, assommante, elle ne vise qu’à renforcer le côté écrasant, massif du film, tandis que le scénario a quelques difficultés à faire le lien entre les morceaux de bravoure, produisant un film au rythme disparate.
Et pourtant… Il faut croire que Battleship a ciblé tout à fait correctement son public en reliant, dans ses bandes-annonces, le film à la saga des Transformers. Le public cible est le même mais, miraculeusement, l’absence de Michael Bay semble éviter à Battleship la lourdeur de la saga des jouets robots géants. Débarrassé des tics démesurés de Michael Bay, le film a pour seules caractéristiques des intentions idiotes mais sympathiques, assorties d’un humour adolescent crétinoïde : pas de quoi bouleverser l’histoire du cinéma, mais assurément de quoi amuser.