Drôle de filmographie que celle de Kenneth Branagh : après avoir plusieurs fois adapté Shakespeare, il s’est lancé depuis Thor dans une série de blockbusters adressés autant à un public en bas âge (Cendrillon, Artemis Fowl) qu’à des fans d’Agatha Christie (Mort sur le Nil, Le Crime de l’Orient-Express). Belfast détonne tout en semblant de prime abord parfaitement lisible dans ses intentions : en évoquant les conflits entre catholiques et protestants dans le Belfast des années 1960 au prisme de ses souvenirs familiaux, Branagh reviendrait à ses aspirations d’auteur, se remettrait au vrai cinéma. À bien des égards, Belfast arbore en effet les atours du « film à Oscar », avec son noir et blanc surléché et son sujet « sérieux » contrastant avec les divertissements à grand spectacle que Branagh réalise depuis une dizaine d’années. Les premières séquences font d’emblée craindre le pire, notamment l’ouverture et ses plans « cartes postales » de la ville, rythmés par les compositions originales de Van Morrison (le folklore est de mise), avant que le film ne plonge, en noir et blanc, dans les années 1960. On voit alors des enfants jouer avec une épée et un bouclier, puis la guerre s’inviter littéralement dans le film, sous la forme d’une émeute anticatholique menée par des protestants, où les plans s’enchaînent à une telle vitesse que l’on ne distingue tout simplement plus rien.
Passée cette double ouverture un peu éprouvante, Branagh parvient toutefois ici et là à dépeindre ce petit monde, même si le film ne se débarrasse jamais entièrement d’un penchant certain pour la boursouflure. Il se focalise finalement beaucoup moins sur la ville éponyme que sur le quartier abritant la famille de Buddy, l’avatar enfant du cinéaste, dont la mise en scène de Branagh tire une épisodique inspiration, en jouant sur les spécificités d’un décor minimal, comme dans cette conversation entre Buddy et son grand-père où le visage de la grand-mère les écoutant apparaît à l’arrière-plan, surcadré par une petite fenêtre qui lui donne presque un air de marionnette. Malheureusement, le cinéaste se laisse régulièrement rattraper par son inclination pour les effets clinquants. Si le film délivre parfois quelques idées inventives, il s’en remet plus souvent à des stéréotypes embarrassants, comme en témoigne le noir et blanc très contrasté des scènes se déroulant au cinéma, soulignant lourdement la capacité du septième art à opposer une transcendance de l’imaginaire à un quotidien morose. Ces effets de manche, loin de charmer, maintiennent le spectateur à distance du foyer émotionnel du film.