Cinq ans après Romanzo Criminale, Michele Placido revient sur les écrans français en poursuivant la thématique qui l’y a fait connaître : le destin tragique et romanesque des grandes figures du banditisme. Avec ce portrait de Renato Vallanzasca, sorte de Mesrine à l’italienne, le réalisateur passe hélas à côté de son sujet, pour ne se focaliser que sur les aspects romanesques de la vie de son bandit au grand cœur.
Car, c’était bien de cela qu’il s’agissait, déjà, dans Romanzo Criminale. En 2005, le titre annonçait bien la couleur : loin d’une chronique historique sur les années troubles qui voyaient l’avènement de ses anti-héros, le film visait avant tout de redonner corps à la figure-fantasme du gangster beau, ténébreux, sulfureux et romanesque. C’est le mot qui importe, également, dans L’Ange du mal. Renato Vallanzasca est un criminel charismatique, passé du statut de petite frappe à celui d’ennemi public N°1 italien, par le truchement de braquages audacieux, de meurtres choquant l’opinion et d’une utilisation désinvolte et séduisante des médias. Du pain bénit, en somme, pour qui voudrait, à nouveau, redonner vie à la figure bien galvaudée du gangster, fascinant parce qu’horrifiant.
Loin des expérimentations formelles de Michael Mann dans son Public Enemies, des ambitions sociologiques de Mesrine ou des préoccupations philosophiques et politique du collectif de L’Allemagne en automne, L’Ange du mal ne retient donc de son sujet que son potentiel héroïque, et érotique. Kim Rossi Stuart, dans le rôle-titre, est ainsi mis en scène avec complaisance : le corps de l’acteur est omniprésent à l’écran, tandis que le montage et la bande sonore font la part belle aux séquences à haute valeur symbolique. Il suffit de voir, pour s’en convaincre, le traitement de la bastonnade reçue par le héros dans la première séquence, un exemple de cinéma choisissant et montant ses images pour aller droit au but, droit à l’effet, sans nuance.
Mais, à quoi bon ? À quoi bon revoir à la baisse le quotient des atrocités perpétrées par Vallanzasca, à quoi bon passer sous silence d’autres épisodes de sa vie sauvage, à quoi bon pencher ostensiblement en sa faveur, si ce n’est pour en faire une figure fictionnelle héroïsée, grandiose, un Robin des Bois moderne ? Soit. La vie hautement rocambolesque de Vallanzasca, telle qu’elle est racontée par L’Ange du mal, se prête bien à faire de son personnage principal un anti-héros sympathique, lorgnant peut-être sur l’aura toujours bien présente – et ô combien usurpée – du Scarface de Brian De Palma dans la culture populaire occidentale. Michele Placido aurait-il choisi son protagoniste pour la seule – et si mauvaise – raison qu’il lui permettait de voir apparaître à l’affiche ce sésame pitoyable, « tiré d’une histoire vraie » ?
En tout cas, après Romanzo Criminale, le cinéaste semble vouloir poursuivre son œuvre narrative au mépris des circonstances historiques dans lesquelles il pêche ses sujets. Que cela se fasse au mépris de la réalité historique importe peu – mais si c’est pour nous donner à voir des images si prévisibles, si galvaudées, si impersonnelles, alors cela n’en vaut vraiment pas la peine.