Pour son troisième long-métrage, Antonin Peretjatko abandonne les robinsonnades de La Fille du 14 juillet et de La Loi de la jungle au profit d’un vaudeville circonscrit aux limites d’un fastueux hôtel particulier du XVIe arrondissement. Si le resserrement de l’intrigue autour d’un adultère dans la haute bourgeoisie musèle l’inventivité du cinéaste, qui signe ici son plus mauvais film, ce quasi ratage est aussi l’occasion de faire le point sur les limites d’une écriture comique arrivée à saturation. À travers le mariage de la roturière Ava (Anaïs Demoustier, qui reprend à la volée le rôle d’ingénue libertine réservé autrefois à Vimala Pons) et du bourgeois fin de race Paul Château-Têtard (Philippe Katerine), le cinéaste dresse un portrait au vitriol d’une famille d’ultra-riches, dont la cible privilégiée reste la mère de Paul (Josiane Balasko), femme aigrie et handicapée que le film ne cesse de tourner en dérision. Les supplices qui lui sont infligés (cf. la scène où elle se fait poser un exosquelette en métal lui donnant l’allure de RoboCop) mettent en évidence une veine burlesque débridée, héritière du slapstick du cinéma muet, mais dont le film ne reproduit que la surface (une bagarre filmée comme une vue Lumière, quelques fermetures à l’iris). Il manque sans doute à La Pièce rapportée une mise en scène comique qui se développerait sur la durée, à travers la patiente construction d’une mécanique dans laquelle les personnages se retrouveraient piégés. Le ton pataphysique du cinéma de Peretjatko le pousse au contraire à multiplier les gags-minute, de sorte que chaque idée se trouve oblitérée par la suivante, sans souci de hiérarchie ou de cohérence. Il est à cet égard regrettable que les (rares) bonnes idées visuelles (par exemple, les cheveux d’Ava dessinant une série de tentacules, à la manière de Méduse) ne dépassent jamais le stade de la vignette, aussitôt apparue, aussitôt oubliée.
Enfermé dans des intérieurs luxueux et peuplé de personnages engoncés dans des poses irréalistes où transparaît un goût pour une imagerie graphique, évoquant à certains égards la bande-dessinée, le film fait aussi preuve d’un volontarisme politique assez superficiel – ne serait-ce que dans la scène d’ouverture, où la famille part abattre en forêt sangliers, faisans et Gilets jaunes. Lors d’une courte scène arrachée à la marche du récit, Ava se balade en Rolls-Royce dans Paris ; à travers sa fenêtre apparaît l’Arc de Triomphe après une manifestation, puis les camps de SDF du Nord de la capitale. Cette manière d’intégrer au forceps des « fragments de réel » à l’intérieur d’un récit fantasque et décontextualisé (le film évoque davantage l’univers du cinéma populaire des années 1970, ultime référent du cinéaste) a de quoi agacer, dans la mesure où la caméra ne passera jamais de l’autre côté du miroir : le surcadrage de la fenêtre donne le sentiment d’assister à une scène anonyme tournée par une chaîne d’information en continu (dispositif que le film brocarde pourtant quelques minutes plus tard). Passé cet intermède, Ava retournera à ses pénates et le spectateur à son ennui.