Sur une trame fort simpliste, moralisatrice, et sans aucune surprise se dresse un graphisme proche de celui de Miyazaki père, graphisme qui possède par moments quelques élans généreux mais succombe rapidement à l’insignifiance du récit.
Adapté du Cycle de Terremer, un classique de la littérature fantasy, et inspiré directement du manga de Hayao Miyazaki, Le Voyage de Shuna (1983), Les Contes de Terremer raconte l’histoire du prince Arren qui, après avoir tué son père, découvre le remords et l’angoisse de la mort. Pour contrecarrer sa douleur, il s’exile et rencontre Épervier, un sorcier, Tenar, une ancienne prêtresse devenue fermière, Therru, une mystérieuse jeune fille et Cob, la magicienne. Pour devenir homme, il va devoir accepter que la mort fasse partie de la vie et trouver au fond de lui l’équilibre qui manque tant à cette planète en voie d’auto-destruction…
Le Maître des Vents est en colère et même les dragons s’entretuent au-dessus des mers : le monde va bien mal. Dans cette décadence, le prince Arren finit par tuer son père et quitte l’antre paternel pour affronter ses propres traumatismes : la peur de grandir et de devoir mourir. Soutenu par une bande originale composée d’envolées lyriques, une musique qui illustre et doit tirer des larmes, le personnage d’Arren se perd dans l’insignifiance et pleure pour faire voir l’émotion qui manque tant à ce film. Le graphisme des personnages rappelle férocement ceux de Miyazaki père mais si l’un a toujours gardé une vraie poésie au creux des visages, des yeux, des lèvres, l’autre travaille plutôt la platitude expressive. Le prince, Cob et les autres sont très lisses et renvoient paradoxalement à un vieux graphisme des années 1970 : Épervier a des airs du musicien saltimbanque Vitalis, de la série animée Sans famille (1982), quelques scènes rappellent le Heidi de Takahata… Quant à Therru, la mystérieuse jeune fille qui n’a de mystère que celui indiqué sur le dossier de presse, il est dit, écrit, annoncé que son visage est laid et en partie brûlé. Or, voici une charmante enfant avec une jolie tache rose sur le côté gauche. La magicienne Cob, lorsqu’elle se met en colère, rappelle quant à elle le design de la méchante sorcière dans Blanche-Neige (Walt Disney, 1938).
Les seconds rôles sont aussi peu brillants que les premiers et l’humour qui doit être leur ferment n’arrive jamais à faire sourire. Les dialogues illustrent mais ne disent finalement rien. Les décors sont d’un réalisme impressionnant par rapport à la platitude des personnages mais la confrontation personnage-décor ne fonctionne absolument pas. Peut-être est-ce aussi — Miyazaki père savait le faire — cet éclectisme dans le choix de l’architecture (byzantine, romaine, florentine, vieille Europe, voire égyptienne, idem pour les costumes… n’oublions pas la référence picturale forte à Escher) et l’aspect « peinture à l’eau » impeccable qui frustrent en ne laissant jamais une place à la maladresse, la sensibilité, la poésie. Le paysage s’anime de temps en temps parce que du vent souffle sur lui mais il n’est nullement animé par une âme.
La fin ne réserve aucune surprise et, malgré quelques plans absolument magnifiques, Les Contes de Terremer laisse plutôt indifférent et aurait pu faire une honorable série télévisée. Dommage pour ce premier film monté en épingle et qui se laisse oublier rapidement.