En 2009, J.J. Abrams faisait plutôt bonne impression avec un reboot de la franchise Star Trek malin et spectaculaire, un blockbuster réfléchi et de bonne tenue. Grosse déception, donc, aujourd’hui, alors que Star Trek Into Darkness commet toutes les erreurs que le premier épisode avait su éviter.
Tout de même, soyons honnêtes, il faut comprendre le désarroi du casting : voyez Karl Urban et Zoe Saldana, honnêtes Dr McCoy et Uhura, tenter de faire bonne figure quand, au premier plan, Zachary Quinto donne dans le monolithe impassible face au leprechaun Chris Pine, hystérique capitaine Kirk au visage si peu expressif, et que, dans un coin, Simon Pegg repousse les limites du cabotinage à l’écossaise. Et voilà qu’arrive Benedict Cumberbatch, retenu et intense, incarnant à lui seul toutes les ténèbres annoncées du film, qui suit un plan simple : tuer tout le monde. Sur le plan de la performance d’acteur, le verdict est sans appel : l’acteur anglais laisse tout le monde sur le carreau. On comprend que ça jette un froid.
Derrière la caméra, on retrouve J.J. Abrams, cette fois-ci flanqué de Damon Lindelof. À la réalisation, J.J. Abrams s’offre deux-trois séquences spectaculaires sur des planètes lointaines, friandises oculaires vite noyées dans un réseau étouffant de séquences d’intérieur – à tel point qu’on se croirait un instant revenus aux codes narratifs et économiques de la série des années 1970, qui privilégiait les décors de studio. Lindelof, sans doute échaudé par les accusations de grand salmigondis portées sur son Prometheus, livre un script simple, voire simpliste, en tout cas peu crédible, indigne de l’intrigue très réfléchie du premier volet.
Incapable de soutenir la moindre tension narrative, le film désamorce quasi-instantanément tous les nœuds de son intrigue. Fidèle à la méthode entrevue chez Ridley Scott, Damon Lindelof parsème une narration chaotique et hasardeuse de scènes choc, le reste semblant faire office de remplissage. Notons cependant que le film évite les effets 3D superlatifs – et offre des moments de beauté tout à fait délectables, qui montrent que le space opera est sans doute le genre le plus légitime pour ce procédé. Cette inattendue marque de maturité formelle est pourtant bien la seule, dans un film qui a toutes les apparences d’un caprice de geek.
Car, il se murmure dans les sphères bien informées que Star Trek Into Darkness vaut surtout pour ses multiples signes de tête à un épisode de la série, et à un film de l’ancien arc narratif. Le problème est que la finesse et l’élégance du Star Trek de 2009 consistaient à adresser des clins d’œil à la série qui avaient été piochés dans le corpus le plus accessible, dans la culture populaire la plus large. En se recentrant sur les seuls trekkies, J.J. Abrams s’est sans doute fait plaisir – dommage qu’il n’ait pas songé à l’ensemble de son auditoire. Là où le premier épisode résonnait d’accents tragiques et grandioses qui rendaient justice à l’opéra dans le space opera, cette deuxième mouture manque absolument de grandeur, de souffle et d’ambition : c’est tout au plus une space ritournelle.