Le found footage est son propre ennemi : toujours à l’affût d’une légitimité pour continuer à filmer, le « genre » se prend souvent les pieds dans le tapis, à moins d’être malin (comme Chronicle, The Bay ou, dans une moindre mesure, Diary of the Dead), ou de s’en tamponner complètement et avec un petit regard ironique en plus (REC 3). Dès qu’il dévie, une distance s’installe avec son auditoire – et c’est le cas dans la plupart de ces projets. Mais, le plus souvent, la facilité avec laquelle le found footage permet les effets de mise en scène de surprise effrayante prend le pas sur toute autre considération – ça, et le fait que ça ne coûte pas bien cher.
Soirée film de vacances
C’est du moins ce que l’on croit. Prenons, par exemple, ce Baby : à voir la pauvreté formelle du machin, on se dit qu’il n’a pas dû coûter bien cher. Erreur ! Pauvre en effets quels qu’ils soient, éclairé comme une vidéo de fête de samedi soir postée illico sur YouTube, le film fait peine à voir… mais a tout de même coûté sept millions de dollars. Où sont-ils passés ? Mystère. Certainement pas dans le scénario, mélange sans personnalité de La Malédiction et de Rosemary’s Baby qui voit une femme mettre au monde un antéchrist en dessinant partout des symboles du jeu Quake II.
Balisé au millimètre près, le film ne tente guère de sortir des sentiers battus – mais s’il le fait, c’est pour voir ses efforts annihilés même dans les scènes vaguement intéressantes (la chasse dans les bois, le baptême) par l’esthétique du found footage, par ailleurs le plus souvent totalement absurde. On retiendra avec émotion les grands moments, tels que celui où un protagoniste, évoluant nuitamment dans sa maison, choisit de se munir d’une caméra plutôt que d’allumer la lumière, ou lorsque la caméra censée enregistrer l’action chute, mais tombe évidemment pile avec le bon cadrage pour la suite de la scène. À croire que les deux réalisateurs, membres du collectif Radio Silence et à la manœuvre d’un segment honnête de l’anthologie V/H/S s’en moquent. Eh bien, qu’ils le sachent : nous aussi.
Le diable travaille dans la pub
Agacé par une forme nauséeuse et gratuite, l’auditoire de The Baby s’ennuie ferme devant cette accumulation de clichés sans surprise. Les premières 80 minutes semblent bien longues, pour aboutir à un finale un peu plus intéressant – mais de peu. Tout ce qui a rendu digne d’intérêt The Baby, c’est la promo hautement polémique qui a accompagné le film aux États-Unis, et dont la France n’a hélas pas vu la couleur. L’affiche originale, par exemple, montrait une femme enceinte, nue, et crucifiée à l’envers – ce qui n’a pas manqué de susciter l’indignation vertueuse des bons chrétiens de chez l’Oncle Sam. Exit donc cette affiche, même chez nous. Plus fort encore, la promotion du film invitait les utilisateurs de Facebook à « se convertir au satanisme » sur le réseau social : quiconque changeait son allégeance se voyait offrir un cadeau exclusif – en fait un extrait d’une des scènes finales du film. Qui aura vendu son âme au diable pour ça peut sans doute vouloir demander un remboursement. Enfin, on appréciera la très burlesque campagne de promo qui a impliqué un bébé en animatronics terrorisant les passants en leur faisant des doigts d’honneur, des jets de bile, ou en poussant des cris épouvantables. Une chose est sûre, en tout cas : les publicitaires se sont sans doute sentis plus concernés par The Baby que ses propres créateurs. Ou que son malheureux auditoire, d’ailleurs.