Avec le Serbe Clip et le Français Les Lendemains, les sorties de cette semaine font la part belle aux tourments de l’adolescence. À l’idée que quelque part, ou peut-être partout dans le monde, cet âge est le temps et le lieu de tous les changements – le lieu, aussi, des aspirations et des sentiments les plus indomptables. Surtout, celui d’une triste vision du monde, désenchantée, choisissant toujours un angle presque documentaire. Ici c’est l’Irlandais Lenny Abrahamson, à qui on doit le sensible et très réussi Garage (2007) qui sévit en suivant un adolescent dans une histoire de culpabilité finissant sur une pirouette assez pauvre.
Alors : qu’a‑t-il fait, Richard ? D’abord, rien de particulier. Comme tous les ados, il vit sa vie, s’amuse, drague. Richard est le jeune garçon exemplaire, sportif, sympa avec tout le monde, séduisant pour les filles qui le côtoient. Ainsi la première demi-heure de ce film au tempo naturaliste ne s’intéresse-t-elle qu’à cela : la vie de cet ado, son quotidien dans sa tranquille et lassante banalité. Le seul prétexte à ce développement semble être la rencontre du jeune garçon avec Lara. Les deux ados tombent vite amoureux l’un de l’autre, Lara laissant derrière elle un ex attristé. Mais la vie suit son cours – et le film avec elle, chérissant le réel et l’écoulement réaliste des choses.
Il y a une nette volonté de mise à distance dans la mise en scène de Lenny Abrahamson – qui rappelle d’une certaine façon son deuxième long Garage. Mais là où Josie et Patt Shortt (protagoniste et acteur principal de ce précédent film) savaient faire varier les tons, les émotions et maîtrisaient brillamment le film derrière son avancée en ligne droite, Richard et Jack Reynor semblent s’évertuer à en épuiser les résonnances. What Richard Did est une histoire d’accident et de culpabilité : car un soir, à cran, Richard cogne l’ex de sa princesse – et le tue, sans même s’en rendre compte. À ce thème pesant – un jeune à qui tout sourit qui doit faire face à un tel drame – répondent malheureusement une narration et une mise en scène sans subtilité. Sans humour, sur une ligne monocorde, Lenny Abrahamson et son scénariste déroulent leur film en espérant que le sens y surgisse de lui-même. Ainsi de rares scènes, dans l’écart qu’elles proposent entre le flot monotone du récit et la gravité des situations (l’annonce de la mort de Connor, entendue au hasard à la radio) font émerger la tension qui manque au film dans sa globalité.
Malgré ces moments trop rares, What Richard Did est un film banal, qui cache sous des thèmes pesants (responsabilité, morale) déjà trop travaillés de façon similaire par le cinéma, une satisfaction déplaisante – preuve en est la fin, qui refuse de trancher et laisse son personnage au milieu de nulle part. Ni le personnage ni le film, en fait, n’ont avancé ; et le jeu morne de Jack Reynor est en partie responsable. Devant What Richard Did, on se demande en fait si cet adolescent, comme l’idiot de Garage, comme les junkies d’Adam & Paul (2004), ne sont pas pour Lenny Abrahamson que des prétextes pour observer le monde avec une froide distance, une désagréable supériorité et un réalisme scolaire, comme on observe des poissons dans un bocal. Espérons que ce troisième long n’est qu’un accident.