Genre autrefois transgressif et limité à un public de niche (mais devenu culte), le film de zombie a gravi des échelons depuis la relecture de Danny Boyle (28 jours plus tard) et le remake de Zack Snyder (L’Armée des morts). Aujourd’hui c’est la superstar Brad Pitt qui se frotte à la mythologie des morts-vivants dans un des blockbusters de l’été. Mais World War Z mérite-t-il son Z ?
Adaptation du roman post-apocalyptique de Max Brooks paru en 2006, World War Z ne perd pas de temps à exposer l’émergence du microbe meurtrier sur la surface du globe. Dès le générique, tout est dit. Un virus animal mortel a muté et il s’attaque dorénavant aux hommes. Son origine n’est pas clairement définie mais sa dangerosité ne fait pas de doute. Un matin comme un autre, alors qu’il amène ses enfants à l’école, un ancien enquêteur de l’ONU rangé des bagnoles, Gerry Lane (Brad Pitt), assiste impuissant à un carnage dévastateur. Sauvé in extremis par son ancien patron, il se retrouve à la tête d’une équipe chargée de déterminer le patient zéro. Mais le temps presse. L’épidémie ravage la Terre, menaçant la survie de l’espèce humaine.
Là où le père fondateur des zombies George Romero se contentait d’une maison ou d’un centre commercial, Marc Forster ose le monde. Les États-Unis servent évidemment de théâtre principal (au moins pour les premières séquences) mais très vite, le film s’oriente vers une certaine mondialisation, visitant tour à tour la Corée du Sud, Israël et le Royaume-Uni. Ce dépaysement de la catastrophe se révèle une des bonnes trouvailles de World War Z. Finie l’habituelle destruction des grandes métropoles américaines (combien de fois Los Angeles est-elle tombée sous les effets spéciaux des Emmerich et Bay ?) Rien de comparable dans ce métrage. La séquence d’attaque de zombies la plus impressionnante se déroule, une fois n’est pas coutume en terre étrangère, à Jérusalem pour être exacte. Jouant sur la symbolique du mur construit par le pays, Marc Forster annihile en une scène de chaos total la croyance en sa capacité à protéger. Aucun mur, aussi haut soit-il, ne peut contenir une pandémie et les héros vont vite le comprendre. Malgré une mièvrerie risible dans sa vision de notre « belle » humanité (Juifs et Arabes entonnant un chant en chœur, déclenchant sans le savoir l’ire des zombies), World War Z remplit son cahier des charges niveau spectacle. La mise en scène exploite ainsi astucieusement la topographie de la vieille ville de Jérusalem.
Oscillant entre grosse cavalerie d’effets spéciaux (la rapidité des zombies est ici exacerbée par la marée non-humaine qui se répand à l’écran) et huis clos efficace (un avion, un laboratoire de l’OMS), le film évite toutefois soigneusement de porter un quelconque regard politique. Alors que le zombie a longtemps revêtu des interprétations relatives à son époque (guerre du Viêt-Nam, consumérisme), Forster délaisse la piste fantastique de l’origine des monstres pour s’ancrer dans une lecture scientifique et rationaliste (un virus, une pandémie). Cette idée d’infection, maligne et efficace, impose malheureusement le principe qu’une guérison est possible et donc détruit presque de facto le fantasme de l’apocalypse cinématographique. Assurant deux heures durant le spectacle, World War Z manque de personnalité, d’une vision ou d’une interprétation novatrice de cette figure emblématique du film d’horreur. Plus blockbuster que série Z en somme.