Si Monte Walsh peut aisément être qualifié de western crépusculaire et désenchanté, ces catégories ne semblent pas être les plus pertinentes pour décrire cet objet relativement atypique dans la production westernienne des années 1970. Dans ce film à forte charge mélancolique, c’est l’émotion qui s’impose et qui finit par occulter les effets d’une réalisation dont on retient la volonté de s’exprimer au travers d’un patchwork de styles.
Édité pour la première fois en DVD en France, Monte Walsh – premier film sorti en 1970 du chef opérateur William A. Fraker (qui a auparavant travaillé sur l’image de Rosemary’s Baby et de Bullitt) – réunit un casting international de prestige, avec Lee Marvin et Jeanne Moreau en tête d’affiche. Le film commence par une longue période d’exposition au tempo retenu. La vie d’une bande de cow-boys – employés par des financiers de l’Est pour tenter de remettre à flot des exploitations décimés par un hiver rigoureux – s’y déroule paisiblement, dans un climat de camaraderie virile (blagues potaches, bagarres uniquement destinées à tuer l’ennui). Fraker joue la carte de la comédie douce-amère, mais ne met jamais hors-jeu la possibilité d’éclats de violence dont la menace reste constamment présente. Il privilégie l’entre-deux, faisant cohabiter un ton flirtant avec le réalisme (pour décrire la simplicité de la vie au ranch, la saleté, le rôle du cuisinier) et des épisodes quasiment burlesques. Cette longue introduction permet à Jack Palance – qui incarne Chet Rollins, un cow-boy chevronné – de livrer une prestation d’acteur hors norme, lui que l’on a pourtant plus l’habitude de remarquer pour son physique (de Shane aux Professionnels) que pour la justesse de son jeu. Meilleur ami de Monte Walsh (joué par un Lee Marvin flamboyant mais moins constant), il arbore une assurance de façade continuellement prise d’assaut par des élans de vulnérabilité, et transforme ce simple sidekick en un personnage extrêmement poignant. La maîtrise technique de Fraker est indéniable, mais sa tendance à abuser de scènes démonstratives (comme celle du saloon vide qui indique un peu maladroitement la fin d’une époque, celle des vrais cow-boys) et à faire articuler par ses personnages les points clés de son propos leste quelque peu la première partie du récit.
Puis soudainement, à la mort de Rollins, le film mue et se met à explorer de nouveaux registres : le mélo fait son apparition (Walsh perd ses proches et ses repères les uns après les autres) et, après avoir franchement évité l’action pendant près d’une heure, il s’y vautre sans retenue, avec une grande scène de rodéo nocturne où le cheval de Walsh détruit littéralement une ville entière en ruant. La farce n’est jamais loin, et contrairement à bon nombre de westerns de l’époque où le burlesque est fréquemment associé à la violence, il s’acoquine ici – mariage étonnant – avec une haute dose de lyrisme. Car le tour de force de Monte Walsh est d’être aussi hétéroclite dans son style que cohérent dans sa tonalité : une mélancolie profonde, nourrie par le temps qui passe et qui laisse au bord du chemin jeunesse, amis et repères. Le grand amour, celui qui semble être au programme de tous les grands westerns des années 1970, cet amour lyrique, ultime mais presque toujours impossible ne parviendra pas non plus à sauver Walsh de sa descente aux enfers, mais contribuera grandement à imprégner le film d’une émotion authentique et persistante.