Voilà bientôt trois ans que les cinéphiles amateurs de Joe Dante patientaient après la sortie de son dernier film, The Hole, le retour au grand écran et en 3D du réalisateur de Gremlins après près de dix ans d’absence. Leur patience est aujourd’hui récompensée pour un résultat en demi-teinte : non seulement le film sort directement en vidéo, mais, de plus, il est loin d’être à la hauteur des meilleurs films de Joe Dante.
Cela fait donc près de dix ans que Joe Dante n’a plus abordé les grands écrans hexagonaux : pas depuis la sortie confidentielle du pourtant réjouissant et érudit Les Looney Tunes passent à l’action (2002). Depuis, le réalisateur a beaucoup officié à la télévision (il a notamment réalisé deux épisodes parmi les plus intéressants de Masters of Horror et sur internet, où il coordonne et anime la « série » cinéphile Trailers from Hell). À l’instar d’autres grands réalisateurs un peu trop marginaux (John Carpenter, dont le dernier effort, The Ward, est lui aussi sorti directement en vidéo en début d’année, Terry Gilliam…), Dante peine à dégoter des budgets. Autant dire que l’annonce de la mise en production de The Hole avait de quoi réjouir les amateurs.
Non seulement s’agissait-il de retrouver le réalisateur à l’écran pour un véritable long métrage, mais Joe Dante avait également expressément annoncé son désir de réaliser le film en 3D. De la part d’un cinéphile, amateur éclairé des films des années 1950 (qui virent la sortie de bon nombre de films en « 3D rouge-et-verte »), c’était la promesse de développements intéressants. La sortie française du film cantonne d’ailleurs l’exploitation en 3D aux Blu-Ray : tant pis pour les personnes – les plus nombreuses, certainement – qui ne sont pas pourvues de l’équipement adéquat.
The Hole narre donc les aventures de Dane, un adolescent, de son petit frère Lucas et de sa voisine Julie. Tous les trois trouvent, dans le sous-sol de la maison où la famille de Dane vient de s’installer, une trappe rivetée au sol par moult cadenas : quelle meilleure idée que de les ouvrir ? En dessous, un trou – The Hole donc – sans fond. Contempler cette abysse fait que l’abysse vous regarde en retour, devine vos pires terreurs, et les concrétise. Un trou nietzschéen en somme.
On est donc en terrain connu pour Joe Dante, avec des protagonistes adolescents, légèrement en décalage par rapport à la norme, et la mise en scène de leurs terreurs profondes. Le réalisateur reste fidèle à son style narratif, toujours au croisement du film familial (tel qu’on le conçoit aujourd’hui, moral et aseptisé) et du fantastique le plus effrayant – Joe Dante n’a pas cessé de croire, et c’est tant mieux, dans la capacité d’un auditoire jeune à affronter les peurs. De ce point de vue, le film propose quelques séquences tout à fait réussies, d’autre moins : des rebondissements inattendus et efficaces côtoient ainsi des développements scénaristiques médiocres ou bâclés.
Qu’en est-il, maintenant, de la 3D, sur laquelle insiste tant Joe Dante ? Si le début du film propose plus d’effets de profondeur qui sont aujourd’hui galvaudés – on va ainsi se prendre dans la figure quelques clous et une balle de base-ball –, la suite du film se révèle beaucoup plus intéressante. En effet, le film est divisé en deux parties, finalement assez hétérogènes : la mise en place horrifique, suivie de l’inévitable plongée dans le trou. Une fois ce pas franchi, la créativité de l’imaginaire de Joe Dante se déchaîne : coincés dans un monde fantasmatique expressionniste, les héros vont devoir faire face à des terreurs dont la taille dépend de la peur qu’il inspire. Ce rapport de force purement visuel est effectivement magnifié par la 3D : voici donc une utilisation du procédé narrativement pertinente. Et ces séquences, 3D ou non, se révèlent tout simplement magnifiques – et, évidemment, bien trop courtes.
Joe Dante a visiblement fait des choix avec The Hole : que favoriser, sur quoi se concentrer. Le film souffre donc de sérieuses baisses de rythme – pour autant, le savoir-faire du réalisateur demeure intact, sauvant le film, à l’arrachée. On se prend cependant à fantasmer ce qu’aurait pu être The Hole, si on avait donné à Joe Dante les moyens de ses prétentions.