Premier volet d’une série d’analyses consacrée à quelques actrices.
La nuit est tombée sur le patio d’une vieille demeure sudiste. Allongée sur une banquette, une jeune fille à peine sortie de l’enfance rêve d’une première romance en écoutant le Loving You d’Elvis Presley. Avec ses joues rebondies et ses longs cheveux blonds, elle fait figure d’image d’Épinal de la fillette idéale, mais elle préfère, au désespoir de ses parents, courir à travers bois et se baigner nue dans l’étang des voisins. « I wish I could be just like you » dit-elle à sa sage et belle sœur aînée, « but I’m just a lump » (une nigaude, une balourde). Le premier amour tant désiré viendra bientôt sous la forme d’un voisin un peu plus âgé et bien sûr il lui préfèrera sa sœur. Leur intimité naissante est scellée le temps d’une séquence où l’héroïne observe, impuissante, les deux êtres qu’elle aime le plus au monde franchir le perron menant vers la maison. Ils passent entre elles, la frôlent mais ne la voient pas : elle est trop petite. Elle doit apprendre à rester littéralement au seuil de cet amour dont elle est exclue. C’est pourtant bien elle, le « bébé », qui à la fin du film prendra la place de l’adulte et posera la tête de sa sœur sur ses genoux pour la consoler de la perte de celui qui les a séparées.
Il est frappant de redécouvrir aujourd’hui The Man in the Moon (Un été en Louisiane, 1991) de Robert Mulligan, première apparition au cinéma de Reese Witherspoon, parce que s’y trouve en germe tout ce qui fera au fil des deux décennies suivantes la persona si particulière de l’actrice. Petit bulldozer comique placé au cœur d’un mélodrame, déjà associée à l’Amérique profonde, déjà au cœur d’un triangle amoureux, déjà parfaite mais pas assez, déjà trop volontaire, trop industrieuse pour être touchée par la grâce. C’est le début d’une carrière hollywoodienne d’abord assez anodine pendant sa période « Petit Chaperon Rouge » (qu’elle interprète en 1996 dans Freeway, relecture trash du conte de Perrault). Dans des films qui rejouent systématiquement le conflit du vice et de la vertu, elle se fait tour à tour ersatz de Neve Campbell (l’innocente menacée par la corruption sexuelle) ou de Drew Barrymore (la bad girl qui se révèle essentiellement vertueuse) et côtoie la crème du teen movie 90s (elle a pour partenaires Mark Wahlberg, Alyssa Milano, Sarah Michelle Gellar ou Chris Klein et épousera Ryan Phillippe, star éphémère de Souviens-toi l’été dernier et Sexe Intentions).
« I’m never gonna be good enough for you, am I? » : principes du drame witherspoonien
Il lui faut attendre le tournant des années 2000 et ses rôles dans Election (L’Arriviste, dans une traduction française misogyne, 1999) d’Alexander Payne et Legally Blonde (La Revanche d’une blonde, 2001) de Robert Luketic, pour voir émerger la Reese Witherspoon que l’on connaît. Dans l’un, elle est Tracy Flick, agaçante première de la classe dont la victoire assurée à la présidence de l’école est mise en péril par les manigances de l’un de ses professeurs, Jim McCallister (Matthew Broderick), bien décidé à l’anéantir. Dans le second, elle interprète Elle Woods, abandonnée par son petit ami, futur étudiant en droit à Havard, qui ne voit en elle qu’une pin-up imbécile. Non seulement réussit-elle à intégrer Harvard, mais elle devient une avocate de talent. C’est dans ces deux comédies où elle joue en apparence des rôles en tout point opposés que se mettent en place les deux variations du « drame witherspoonien » : drame quotidien d’avoir le sentiment de n’être pas assez (jeune, grande, cultivée, féminine) mais de tout faire pour l’être, drame d’avoir plus d’énergie, de volonté, de talent que quiconque mais de se voir systématiquement dénigrée, rabaissée, attaquée par autrui (souvent des hommes). Ce double conflit (contre soi/contre les autres) est figuré dès ces deux films par des motifs qui seront recyclés dans les apparitions suivantes de l’actrice. En premier lieu, celui du reflet qui renvoie toujours à une fracture entre les qualités réelles de l’héroïne et la manière dont elle se perçoit/dont elle est perçue par autrui : dans La Revanche d’une blonde, ce sont les portes d’un ascenseur qui se referment sur Elle Woods après que sa nouvelle amie Vivian (Selma Blair) lui ait reproché, suite à un tragique malentendu, de ne pas valoir mieux que son apparence de bimbo. Witherspoon se retrouve alors paralysée face à son propre reflet, dévorée par le doute : est-elle davantage que l’image qu’elle renvoie à autrui ? Comment savoir, nous y reviendrons, propose une émouvante variation de ce motif.

La Revanche d’une blonde (2001) / Comment savoir (2010)
Ensuite, la petite taille (1m56) de l’actrice fait que, dans les gros plans et les champs-contrechamps de ses séquences dialoguées, elle est souvent filmée levant les yeux vers ses partenaires, toujours dans une position d’infériorité par rapport à eux. La Revanche d’une blonde utilise intelligemment ce dispositif : après avoir été littéralement regardée de haut pendant la majorité du film, Elle Woods, dans la dernière séquence, se tient debout sur une estrade où elle est distinguée pour son excellence lors de la cérémonie de remise de diplôme. Elle baisse alors enfin les yeux vers une foule admirative. Lorsqu’elle relève à nouveau la tête avant le fondu au noir, plus aucun corps, plus aucun visage ne se dresse face à elle : elle peut regarder l’horizon avec un sourire extatique.

La Revanche d’une blonde (2001)
Ses films suivants ne cesseront de remettre en scène les mêmes enjeux, de manière plus ou moins heureuse. Pour le pire, quand les films se tournent contre elles : Sweet Home Alabama (Fashion victime, 2002) et Four Christmases (Tout… sauf en famille, 2008) en font une harpie carriériste amenée à retrouver au contact de la famille qu’elle a rejetée, de l’Amérique profonde qu’elle a voulu quitter, un semblant de sincérité et d’humanité. Pour le meilleur, en revanche, quand ils se rangent de son côté. C’est le cas par exemple d’une comédie certes pas très fine, mais trop sévèrement accueillie à sa sortie, Hot Pursuit (En Cavale, 2015). Reese Witherspoon y interprète Cooper, officière de police nerveuse et procédurière, risée de son commissariat suite à une interpellation malheureuse et sans cesse comparée à un écrasant père décédé, héros parmi les policiers. Elle se retrouve en cavale, menottée à la gigantesque et plantureuse Sofia Vergara, épouse d’un trafiquant de drogue bien décidée à lui fausser compagnie et à l’agoniser d’injures. Ce duo comique pourrait rappeler le malin plaisir que prenait la MGM à juxtaposer le vilain petit canard Judy Garland aux cygnes Ava Gardner ou Lana Turner. Mais aux humiliations répétées subies par Witherspoon, qu’elles portent sur sa petite taille (« My little pony », « You’re like a little dog I can put in my purse ») ou son manque de féminité (elle est qualifiée d’« Officer Lesbian » et finit par se travestir en homme à force d’entendre qu’avec sa petite moustache elle ressemble à un garçon) répond en miroir le stéréotype de la chicana surjoué par Vergara, jugée d’emblée idiote et analphabète par les autres protagonistes.

Hot Pursuit (2015)
Au creux de la comédie, toujours le même drame d’une femme-trophée et d’une fille-à-papa que personne n’a jamais prises au sérieux, mais qui finissent par trouver un salut dans l’amitié. À la fin du film, l’héroïne, ayant démasqué les confrères qui la ridiculisaient comme les coupables parvient à regagner le nom de famille souillé par ses hontes passées (Cooper) et à gagner un prénom (Rose). Elle accomplit ainsi le programme annoncé lors de la séquence d’ouverture qui voyait la petite Rose assise à l’arrière de la voiture de fonction de son père, se rapprochant année après année de l’âge adulte jusqu’à ce qu’elle franchisse la frontière de la banquette pour répondre à un appel de détresse ; programme jusqu’alors retardé par l’incapacité du personnage à s’affirmer par elle-même hors de la figure paternelle et de la Loi qu’elle cite à tort et à travers (et notamment, à accéder à la sexualité).

Hot Pursuit (2015)
« We’re just one small adjustment away from making our lives work » : le sommet de Comment savoir

Comment savoir (2010)
Mais le plus beau drame witherspoonien est sans conteste How do you know (Comment savoir, 2010) de James L. Brooks, qui reconduit et déborde les dynamiques élaborées dans les films précédents de l’actrice. Dans la séquence d’ouverture, un petit garçon s’entraîne à frapper une balle de softball mais renonce après deux essais infructueux. Une fillette, qui l’observait depuis le fond du champ, saisit la batte abandonnée au sol, frappe à son tour et réussit du premier coup. Le garçon, furieux, la pousse à terre, mais elle relève aussitôt la tête, une expression furibonde sur le visage. Le générique déploie en quelques plans les succès sportifs qui suivront, mais lorsqu’on retrouve la fillette adulte sous les traits de Reese Witherspoon, elle est à nouveau en arrière-champ, tenue à l’écart derrière une vitre, tandis qu’au premier plan, un homme met fin à sa carrière. Athlète talentueuse et volontaire, mentor de ses jeunes consœurs, Lisa se retrouve écartée des prochaines sélections pour avoir atteint « l’âge limite ». Dans la séquence immédiatement suivante, ce rejet lui est doublement signifié puisqu’elle reçoit une balle en plein visage et qu’un rendez-vous arrangé l’appelle pour rompre avec elle avant même de l’avoir rencontrée. Elle ne reçoit la nouvelle qu’au bout d’une demi-heure de film. Alors qu’elle se brosse les dents, elle avise tous les post-it chargés de mantras qui recouvrent la glace de sa salle de bains et sanglote en silence en dévisageant son reflet : tout cela n’a pas suffi. C’est pourtant à nouveau à l’un de ces fragments de self-help (« courage is mastery of fear, not absence of fear ») qu’elle s’accroche pour retrouver bonne figure. Lisa s’exprime fréquemment en proverbes, en mottos, en phrases toutes faites (« Don’t judge anybody else before you check yourself out », « The bad days make the good ones better », « Never drink to feel better, drink to feel even better ») comme un rempart à ses propres instincts et à ses propres émotions, pour éloigner la menace d’un effondrement, de devenir un poids pour les autres. Et pourtant elle demeure hantée par le doute et la crainte de ne pas être à la hauteur : « I don’t know if I have what it takes for everybody’s regular plan. »
Le film se distingue cependant dans la façon dont les contradictions qui animent le personnage se voient dédoublées entre les deux protagonistes masculins qui s’efforcent de la séduire. La part dynamique, positive, conquérante mais aussi superficielle qu’elle met en avant auprès des autres prend le visage de Matty (Owen Wilson), playboy et sportif à succès. Et ce qu’elle dissimule par crainte de paraître « sorry for herself », sa part mélancolique, rongée par le doute, résignée face à l’adversité, prend le visage de George (Paul Rudd), confronté à la trahison de son père et de sa compagne alors qu’il est poursuivi par la justice pour des crimes qu’il n’a pas commis. De ce fait, l’indécision entre ces deux figures masculines (motif présent dans des films plus mineurs de la filmographie de l’actrice comme This Means War et Water for Elephants) n’accouche pas d’une conclusion qui valoriserait un horizon romantique comme antidote à l’échec professionnel. Elle consacre plutôt une victoire du doute, de l’acceptation de ses limites et de ses imperfections ; elle n’est que la promesse d’un lendemain probablement meilleur mais toujours incertain : « We’re just one small adjustment away from making our lives work. »
« I love my grudges, I tend to them like little pets » : du déclin relatif au comeback féministe
Comment savoir, sommet artistique de la carrière de Reese Witherspoon, marque aussi l’abîme de sa carrière au box-office : la petite princesse de l’Amérique, comme tant d’autres actrices de tempérament avant elle, se voit accolée au tournant de la décennie 2010 l’étiquette de box-office poison. Fidèle à l’adage de ses personnages selon lequel on n’est jamais mieux servie que par soi-même, Reese Witherspoon multiplie les incursions dans le cinéma indépendant (chez Atom Egoyan puis Paul Thomas Anderson) et devient productrice, investissant dans le Gone Girl de David Fincher et orchestrant son propre comeback dans Wild (2014), qui lui vaut une nouvelle nomination à l’Oscar, puis à la télévision dans Big Little Lies (2017) et The Morning Show (2019). Ces trois œuvres portent à maturité son personnage caractéristique tout en en proposant une lecture plus ouvertement féministe. Wild transforme en défi physique le parcours initiatique d’une jeune femme en quête d’indépendance là où The Morning Show radiographie le séisme post-Me Too dans le monde des médias, faisant de Witherspoon le visage d’un flamboyant renouveau face au professionnalisme glacé et complaisant de la journaliste vedette jouée par Jennifer Aniston.
Mais l’incarnation la plus passionnante de cette deuxième carrière est sans doute le personnage de Madeline Mackenzie dans Big Little Lies, qui referme en quelque sorte une boucle ouverte dans Election. Dans le film de Payne, la mère de Tracy écrit aux femmes d’affaires les plus puissantes du pays pour leur demander des conseils pour que sa fille accède à la réussite qu’elle n’a pas connue. Parce qu’elle place en elle tous ses espoirs déçus, elle n’a que des reproches à lui adresser : « Maybe you needed more posters honey. Or if you’d just taken my suggestions about your speech. » rétorque-t-elle en guise de réconfort à une Tracy en larmes après sa défaite (truquée) à l’élection. Dans Big Little Lies, Reese Witherspoon est devenue cette mère au foyer frustrée qui regrette de ne pas avoir terminé ses études et tyrannise sa fille aînée. Le bon petit soldat impose désormais son fardeau de perfection angoissée aux générations suivantes. Nicole Kidman et Shailene Woodley ont été plus applaudies pour leurs performances dans la série que Witherspoon, éternel underdog, parce qu’elles interprètent des victimes d’abus explicites. Madeline est confrontée à un abus plus retors : vouloir toujours donner aux autres l’image de la perfection au point de perdre trace de qui l’on est, au risque de ne pas être aimable, de ne pas être aimée. La souffrance du personnage est dessinée en arrière-plan, masquée par l’abattage comique de son interprète, mais elle n’en est que plus émouvante. Comme dans La Revanche d’une blonde et En cavale, c’est l’amitié entre femmes qui offre aux protagonistes une planche de salut. Le post-féminisme de Witherspoon n’est pas sans évoquer, toutes proportions gardées, la Jane Fonda des années 1970, au sens où il propose une incarnation policée et grand public d’idées progressistes, adossée à la fois à son statut d’icône résolument américaine (ce qu’emblématise particulièrement son apparition de Southern belle dans Mud de Jeff Nichols, son choix pour le rôle de June Carter dans Walk the Line et son autobiographie, où elle exalte le mélange de force et de beauté des femmes du Sud et partage son amour pour le bluegrass et sa meilleure recette de poulet frit) et à son image saine et sympathique qui en font une star moins controversée que, disons, Susan Sarandon.
« I totally look the part » : un jeu transparent, entre maîtrise et spontanéité
Si le drame witherspoonien est aussi bouleversant, c’est parce que cette lutte contre soi-même et contre les autres s’incarne dans le jeu transparent de l’actrice, écartelé entre un savoir-faire qui se donne à voir et un tempérament qui semble sans cesse déborder ses tentatives de maîtrise. Le savoir-faire, c’est quelque chose qu’elle a en commun avec les autres grandes enfants-actrices de la décennie 1990, Scarlett Johansson ou Anna Paquin, chez qui on sent jusque dans leurs performances récentes dans Marriage Story ou The Affair l’effort de jouer, la concentration nécessaire pour produire l’émotion, le travail avant la grâce. Les trois comédiennes partagent du reste un certain nombre de maniérismes : les yeux qui se plissent lorsqu’elles écoutent leurs partenaires, des sourcils froncés pour signifier le trouble ou la perplexité, le visage que l’on détourne de son interlocuteur pour prendre un temps pour soi – face à la caméra, évidemment – et suggérer l’intériorité. Chez Witherspoon, ces moments qui pourraient sembler fabriqués sont d’autant plus émouvants qu’ils témoignent précisément de l’effort, de la volonté de bien faire. Ils sont la marque de la bonne élève.

Fear (1996) : les sourcils froncés, exemple de maniérisme de « bonne élève »
En parallèle, et d’une manière qui fait écho au volontarisme forcené de ses personnages, l’actrice oppose toujours un flux d’énergie incontrôlable, un goût de la dépense qui s’exprime le plus souvent dans trois directions : la joie pure, l’exaspération et la déception. Son visage élastique se tord volontiers en grimaces enfantines, ses bras s’agitent en pure perte (elle parle avec ses mains), sa démarche est exagérément dynamique et volontaire. Son jeu procède souvent par de brusques ruptures de ton, des moments de basculement qui la ballottent d’un excès à un autre donnant une grande lisibilité à ses performances dans une tradition plus proche de la pantomime que du naturalisme psychologique.

Cruel Intentions (1999) : un jeu plus proche de la pantomime que du naturalisme psychologique
C’est un sourire radieux, extatique, qui transfigure soudain ses joues pleines où il imprime de profondes fossettes et ses yeux ronds comme des billes élargis un peu plus par la surprise ou la joie. Ou à l’inverse, c’est son visage se referme, ses sourcils froncés, les rides qui se dessinent sur son front, le durcissement de sa mâchoire carrée et ses narines qui s’élargissent : le bouillonnement intérieur qu’on ne parvient pas à contenir. Ça pourrait être trop, et souvent c’est trop ; comme ses personnages elle refuse le sous-entendu, la subtilité, il faut que les choses soient dites et montrées, avoir la certitude d’être comprise.

Comment savoir (2010) : un demi-sourire interrogateur
Et en même temps, cette dépense est toujours tempérée par un léger doute, une méfiance : le sourire est souvent en coin, comme incrédule ou interrogateur, dessinant au centre de son visage une barrière ironique qui permet à l’actrice d’échapper à la mièvrerie. De la même manière, ses colères, dans leurs excès bouffons, trahissent autant la rage elle-même qu’une forme d’impuissance. Comme si elle savait que sa colère ne sera pas prise au sérieux : autant en rire. Seule la déception est rendue sans nuance : c’est le moment du relâchement, de la stupeur, le visage qui s’affaisse, les yeux toujours ronds mais à présent envahis par le doute et la panique. Le moment où elle ne joue plus.
Il est étonnant que la reconnaissance de ses talents d’interprète soit finalement venue du biopic Walk The Line : Reese Witherspoon n’est pas Meryl Streep ou Michelle Williams, elle ne fait pas partie de ces actrices qui disparaissent derrière un personnage. Malgré tous ses efforts pour se faire passer pour June Carter (ses cheveux teints en brun, la façon dont elle exagère son accent), elle demeure irréductiblement elle-même. Elle met donc en avant ce qu’elle a de commun avec l’icône country, c’est-à-dire ce dynamisme forcené de l’entertainer qui présente toujours au public une bonne humeur, un dynamisme de surface alors que quelques secondes plus tôt, elle manifestait en coulisses l’exaspération d’être ainsi prise en otage par son partenaire de scène/de jeu. Cette démarcation entre l’espace de la représentation et les coulisses était déjà là dans Election, dans le sourire Freedent qu’arborait Tracy au moment où elle était appelée sur scène pour la remise de son diplôme alors qu’elle semblait auparavant pensive, coupable peut-être.

Walk The Line (2005) / Election (1999) : en coulisses / sur scène
Cette image lisse de perfection contenant toujours son envers d’angoisse et de maladresse, sa bonhommie tout terrain et la qualité terrienne de sa présence la rapprochent davantage d’une Doris Day que d’une Grace Kelly. Comme Day, elle est la championne de celles qui doivent travailler dur pour réussir, mais qui ne sont jamais reconnues à leur juste valeur, de celles que personne ne prendra sur ses genoux pour leur dire « It’s ok » mais qui, envers et contre tout, relèveront la tête et continueront le spectacle.