Le Fespaco en plein cœur de Paris, c’est ce que propose l’association Clap Noir au Nouveau Latina du 23 au 25 septembre. Trois jours pour voir ou revoir une sélection des films de la dernière édition du festival panafricain de Ouagadougou. Courts, longs, docus, de Tunisie, du Mali, d’Égypte, du Burkina Faso… Regards sur des cinéastes encore trop peu visibles.
Voilà de longues années que l’association parisienne Clap Noir œuvre à sortir les cinémas d’Afrique du circuit trop confidentiel des festivals. Déjà initiatrice de réjouissants Maquis culturels qui ont permit de faire découvrir au public des bijoux tels que Une affaire de nègres d’Osvalde Lewat, Ezra de Newton Aduaka, ou encore l’œuvre engagée du Zimbabwéen Michael Raeburn, Clap Noir propose cette année ses coups de cœur du dernier Fespaco et continue de favoriser les rencontres et les échanges autour du convivial bar du Maquis, au premier étage du Nouveau Latina. Trois soirées en deux séances, autour, à chaque fois, d’un court métrage, d’un documentaire, d’un long métrage. Trois thématiques qui disent cette Afrique de 2011, riche, jeune, diverse, ouverte sur le monde.
L’événement commencera très fort, avec des « Portraits de famille » singuliers, parfois violents, d’actualité. Du court métrage tunisien, Tabou, de Meriem Riveill, on apprécie la caméra sensible, aiguisée, sur l’intimité d’un corps meurtri. De Koukan Kurcia, le cri de la tourterelle, réalisé par Sani Magori (Niger), la superbe métaphore d’une mère nourricière rappelant ses enfants, devenus vieux, à elle. De Femmes du Caire, de Yousry Nasrallah (Égypte), incontestable héritier de Chahine, la sensualité et la finesse d’une caméra qui traque les frustrations et les espoirs, autour d’une superbe galerie de femmes. Un film libre, profondément politique, aux incroyables premiers plans où la caméra flottante glisse, transparente, dans une douceur tout autant qu’une angoisse qu’elle préfigure.
Le samedi 24 septembre conviera les spectateurs à une soirée d’allers-retours, de réflexions sur les liens d’amour et de haine entre l’Afrique et l’Europe, entre Paris – Ouaga – Paris, en présence des réalisatrices. Un beau court-métrage, L’Or blanc, d’Adama Salle, prix de la meilleure fiction des écoles de cinéma africaines (l’ESAV Maroc, en l’occurrence) au Fespaco. Le chant funèbre d’un frère pour un autre en plein désert, sur la route de l’exil. Un plaidoyer qui rappelle Mahamet-Saleh Haroun (Daratt, Un homme qui crie…) lors de sa masterclass pendant le Fespaco devant les étudiants de l’lsis (Institut supérieur de l’image et du son) de Ouagadougou, parlant de l’exil comme d’un « moteur cinématographique incroyable ».
Un écho, aussi, à Paris mon Paradis, de la Burkinabè Eléonore Yaméogo et de ce paradoxe qu’elle énonce dès le début – « Afrique, ma riche et pauvre Afrique… où je rêvais de me faire ma place au soleil… » – avant de prendre l’avion et de découvrir la « vraie misère » à Paris. La jeune cinéaste, dont le film documentaire vaut beaucoup pour la valeur de ses témoignages, met le doigt sur une réalité souvent cachée aux familles restées au pays : l’entretien du mythe européen, à l’image de ce personnage qui « croyait que la France c’est tu ramasses l’argent comme des miettes… ».
La soirée s’achèvera sur les routes du métissage, avec Notre étrangère de la métisse Sarah Bouyain, qui a raflé de nombreux prix au Fespaco. Une jeune cinéaste à suivre, qui propose déjà un regard fort, un sens du cadre et de la direction d’acteur remarquables (Dorylia Calmel, son héroïne, est à couper le souffle !) Loin d’une dramatisation ou d’une psychologisation à outrance, la réalisatrice navigue avec finesse sur les questions d’appartenance et d’identité.
Ce «Clap sur l’Afrique» prendra fin, dimanche 25, autour de la thématique « Le passé au présent ». Le superbe documentaire, Indochine, sur les traces d’une mère, d’Idrissou Mora Kpaï (Bénin), balançant entre émotion, questionnements géopolitiques et intimités des hommes, répondra à la belle variation littéraire sur laquelle souffle l’esprit des ancêtres, Tinye So du Malien Daouda Coulibaly. Dans ces traces de la « grande Histoire » dans la « petite histoire », ce Clap sur l’Afrique s’achèvera en beauté avec l’éblouissant Pégase, du Marocain Mohamed Mouftakir, Étalon d’or de Yennenga du Fespaco 2011. Notre coup de cœur personnel, fascinant labyrinthe servi par une magnifique photographie.