Trois ans après avoir décroché la palme avec le controversé Le vent se lève, revoici Ken Loach sur la croisette. Controversé, parce que si certains y voyaient une sorte d’œuvre-compendium de la filmographie de Loach (et qui pouvait éventuellement, à ce titre bâtard, prétendre à la palme), d’autres vilipendaient le pathos omniprésent. Autant dire que le nouveau film de Loach surprendra les deux camps – à la fois en regard de la filmographie du réalisateur et de par le traitement de ses thématiques. Looking for Eric met donc en scène Eric, sorte de condensé des personnages loachiens, qui se découvre un bon génie dans la personne d’Éric Cantona, venu lui dispenser sa sagesse sous forme d’aphorismes ronflants et sentencieux.
Tous les thèmes chers à Loach sont bien là, traités avec une autodérision étonnante : l’importance de l’entraide, la méfiance vis-à-vis de l’autorité, la culpabilité et le regret comme centre structurel et destructeur de l’individu, la capacité aveugle du destin à écraser les faibles… À la différence du Vent se lève, Looking for Eric délaisse le pathétique pour donner dans la comédie pure, un exercice nouveau pour Loach. Étonnamment, l’exercice semble lui réussir, et c’est un Loach maniant aussi bien un second degré narquois qu’un premier degré souvent hilarant qui est cette fois à la mise en scène. Rétrospectivement, on en viendrait presque à se dire qu’une telle capacité à renouveler son style sans pour autant perdre son caractère revendicatif (même s’il est ici plus dilué, plus atténué) n’aurait pas plus valu à son réalisateur une palme d’or que le finalement assez tranquille Vent se lève.