24 Frames, film posthume d’Abbas Kiarostami, n’a rien de l’œuvre somme ou de l’opus magnum : il s’agit plutôt d’un petit essai filmique aussi âpre que modeste constitué de 24 plans hétéroclites (on y retrouve des plans de nature, mais aussi une photo fixe et Les Chasseurs dans la neige de Pieter Bruegel). Chacun de ces plans dure environ cinq minutes, s’amorce par un chiffre et se referme sur un fondu au noir. Si la plupart de ces tableaux fonctionnent en autonomie, certains des fragments proposés par Kiarostami semblent se répondre ou se suivre (par exemple, ce troupeau de moutons attroupé autour d’un arbre et protégé par un chien, qui laisse place à celui de loups dévorant une carcasse dans un décor analogue).
Bien que ces plans se distinguent pour la plupart les uns des autres, ils n’en demeurent pas moins tous travaillés par la volonté de figurer un mouvement qui s’articule autour des modalités structurantes de chaque tableau (division en plusieurs strates, lignes horizontales, verticales ou diagonales, les conditions climatiques, etc.). En insufflant du cinéma dans les images fixes (certains éléments des Chasseurs dans la neige qui prennent vie, le surgissement de passants dans une photo inanimée) et de la picturalité dans des plans de pure captation, le film met ainsi en scène un permanent surgissement de la vie au sein de cadres rigoureusement composés. Et de montrer par extension que si la vie est partout, alors le cinéma aussi, du moment que l’on cadre et que l’on pose un regard sur les êtres et les choses.