En 2001, Marie Dumora filmait déjà Belinda pour son premier long métrage, Avec ou sans toi. La petite fille était alors âgée de neuf ans. Quelques années plus tard, elle apparaît dans Je voudrais aimer personne, consacré à sa sœur Sabrina, déjà devenue mère. Après d’autres films toujours tournés dans l’est de la France, la réalisatrice retrouve Belinda en 2015.
Résultat de ce long processus d’exploration d’une région et de ses habitants, Belinda, présenté en clôture de l’ACID, reprend l’histoire depuis la première rencontre, assemblant des images tournées aux trois époques. De telles entreprises sont évidemment rares et précieuses, mais cela ne suffit pas. Celle-ci ne serait rien sans la sensibilité de Marie Dumora.
La juste distance que trouve la réalisatrice repose notamment sur deux principes : d’une part, ne pas intervenir directement dans les situations, ne pas poser de questions aux protagonistes pour préférer les regarder vivre et, d’autre part, ne pas chercher à se rendre invisible pour voler des images plus « naturelles ». Marie Dumora tourne avec une caméra imposante et des preneurs de son, si bien qu’il est difficile pour les personnages d’oublier qu’un tournage est en cours. Si la caméra est présente, c’est donc parce que la relation de confiance nouée avec Belinda est suffisamment forte pour le permettre, et jamais parce qu’on l’oublie.
Lorsque nous la rencontrons enfant, Belinda vit en foyer avec sa sœur. À 16 ans, elle s’apprête à assister au baptême de son neveu et envisage de devenir mécanicienne, mais pas tout de suite : il faut qu’elle aide sa mère, qui va partir « en cure », et qu’elle puisse rendre visite à son père incarcéré. Lorsque nous la retrouvons à 23 ans, elle est de nouveau en route pour la prison, cette fois pour y retrouver son compagnon Thierry, tout juste libéré et avec qui elle prévoit de se marier.
Il serait insupportable de voir tant de dureté sans la douceur et la rigueur du regard de Marie Dumora. Il ne s’agit jamais de choquer le spectateur en lui montrant comment vivent de « pauvres gens » mais de faire le portrait d’une fille devenue femme pour qui ces difficultés sont la norme. Ce qui intéresse la réalisatrice, c’est l’amour et l’affection : entre sœurs, entre parents et enfants, entre Belinda et l’éducateur auprès duquel elle a grandi, puis surtout entre Belinda et Thierry. La pauvreté et tout ce qui va avec ne sont qu’un cadre qui ne devient jamais le sujet du film. Au-delà d’une situation particulière, c’est ainsi l’histoire universelle d’une quête du bonheur qui nous est livrée.