La première partie de Close, deuxième film de Lukas Dhont (après Girl, Caméra d’or en 2018), prend la forme d’un mélodrame mettant en scène l’inéluctable séparation de deux enfants, Léo et Rémi, liés par une amitié fusionnelle. Leur entrée au collège marque un point de rupture entre le temps de l’enfance et celui de l’adolescence, traduit par l’opposition volontairement binaire entre le cadre privilégié où les garçons s’ébattent comme des gamins et la cour de récréation, zone de non-droit. Si leurs camarades de classe font preuve d’une hostilité croissante (questions indiscrètes et ricanements moqueurs), c’est que les marques d’affection que se donnent les deux amis passent pour celles d’un couple gay – le scénario, en tout cas, se gardera bien de trancher la nature de leur relation. La récurrence des bruits de couloir et des persiflages anonymes, inscrits dans la bande-son, vient ainsi figurer le poids du corps social contre l’utopie amicale et sentimentale du duo, tandis que Léo intériorise progressivement les marques d’opprobre jusqu’à s’éloigner de son ami. Comme l’indique son titre, Close est d’abord l’histoire de deux êtres dont le drame sera d’être contraints à la séparation. Le film fait localement mouche, dans sa manière de figurer l’éloignement à travers la désynchronisation du mouvements des protagonistes, comme lors d’une scène à vélo où ils ne parviennent plus à rouler à la même vitesse. Intéressante sur le papier, cette idée souffre toutefois d’être répétée à de nombreuses reprises et d’être surlignée par des dialogues explicatifs dont la lisibilité finit par tuer toute émotion dans l’œuf.
Les nombreuses scènes de bonheur partagé dans la campagne belge évoquent, par endroits, le style lyrique des flashbacks de Juste la fin du monde de Xavier Dolan : les amples travellings latéraux ou les mouvements brusques à la caméra portée visent à restituer l’euphorie des moments d’innocence. Au-delà de quelques détails scénaristiques témoignant d’une inspiration plus nord-américaine qu’européenne (on pense notamment à la place étonnante qu’occupe le hockey sur glace dans l’intrigue), le film témoigne d’un goût commun aux deux cinéastes pour une dépense d’énergie qui produit des visions capitalisant uniquement sur la joliesse du cadre. Un véritable coup de force scénaristique intervient cependant au tiers du film, lors d’un retournement de situation soudain et lacrymal. Sans le révéler, on peut dire que le récit d’une amitié laisse place à un apprentissage de la solitude et de la culpabilité. C’est peu dire que ce deuxième « film dans le film » est décevant : piégé par un scénario tire-larmes, Dhont multiplie les scènes au symbolisme empesé sans trouver la distance adéquate pour appréhender le drame intime qui se joue. Si le film émeut, c’est seulement lorsqu’il s’écarte de son programme cadenassé, à travers la figure de la mère de Rémi, interprétée par Emilie Dequenne. Un silence parfaitement rythmé, des yeux embués dont les larmes ne sortent pas tout à fait, quelques gestes attentifs pour préserver Léo : le travail de cette merveilleuse actrice permet à la délicatesse à laquelle aspire le film de poindre par instants. Mais en dehors de ces quelques exceptions, le film, tiraillé entre deux voies, peine à tracer sa route : ni mélodrame bouleversant, ni récit d’apprentissage douloureux, Close pâtit de ne pas avoir su filmer à hauteur d’enfant la tragédie d’une séparation.