Le titre largement ironique de How to Have Sex dissimule un horizon bien plus sérieux : rendre compte des violences sexuelles et du malaise d’une génération face à sa sexualité. Pour ce faire, Molly Manning Walker suit Tara (Mia McKenna-Bruce), Fi (Eilidh Loan) et Skye (Lara Peake), trois jeunes Anglaises partant en vacances en Grèce avec pour objectif de multiplier les conquêtes, et qui se lient rapidement à deux garçons occupant la chambre d’hôtel avoisinant la leur. Le film va alors peu à peu déjouer le programme esquissé par son titre, dévoilant le mal-être que dissimule l’enthousiasme surjoué de ces jeunes adultes. Dans une première demi-heure assez convenue, Walker commence par documenter, caméra à l’épaule, les débuts de ces vacances standardisées (à l’image des animateurs qui organisent des rites d’humiliation particulièrement cruels pour les filles). S’y dessine un monde où tout est si ouvertement sexuel que plus rien ne saurait être érotique.
Le film gagne en épaisseur à partir du moment où Walker se recentre sur le personnage de Tara pour figurer l’angoisse qu’elle commence à ressentir. Ce désenchantement, qui se traduit aussi dans l’évolution des couleurs de boîte de nuit (d’abord multicolores et festives, elles finissent par afficher un bleu monochrome), culmine dans une scène de viol particulièrement glaçante. Si la conclusion esquisse douloureusement une libération de la parole, Walker exhibe les apories d’une époque plus qu’elle ne les résout : au moment où Tara commence à se confier, son visage apparaît fragmenté par les miroirs d’un magasin. Un autre horizon émancipateur travaille toutefois le film en sourdine : celui qui relie toutes les formes de communication non-verbale saisies au vol par la cinéaste, comme autant de compensations à la maladresse qui règne souvent entre les personnages. En général réduit à quelques gestes discrets captés au milieu d’une scène, ce contre-mouvement se déploie pleinement dans l’une des séquences les plus réussies. Lors d’une nuit passée avec Badger, où Tara écoute pour la seule fois son propre désir, Walker montre que dans un silence partagé, comme dans le soin qu’on met à fermer une porte pour ne pas réveiller quelqu’un, il peut y avoir bien plus de complicité que dans un rapport sexuel.