Le dispositif de Terrestrial Verses peut sembler quelque peu rigide : le film est composée de vignettes filmées en plan-séquence qui montrent chacune un personnage dialoguant, face caméra, avec un interlocuteur situé hors-champ. Défile ainsi un échantillon de la population de Téhéran, dont tous les membres se trouvent confrontés à l’administration iranienne, qu’il s’agisse d’une maternité ou d’un commissariat de police. À partir de situations anodines, chaque segment progresses, non sans une pointe d’humour surréaliste, jusqu’à des impasses kafkaïennes : un futur cinéaste doit ainsi enlever, page après page, des scènes jugées choquantes de son tapuscrit jusqu’à se trouver sans scénario, tandis qu’un homme venu récupérer son permis de conduire est contraint de se dévêtir pour dévoiler un à un les vers, potentiellement impudiques, qu’il s’est tatoué sur tout le corps.
Accentuant la dérive absurde de chaque situation, la fixité du dispositif épouse celle des institutions : de l’école au monde professionnel se cache une même obsession du respect à la lettre des préceptes religieux et textes sacrés. Même un simple entretien d’embauche amène par exemple le candidat à finalement mimer la façon dont il fait ses ablutions. Asgari et Khatami remontent les branches de l’administration jusqu’à une même pensée obscurantiste et autoritaire. L’idée d’une société prisonnière de son archaïsme affleure dès le premier plan, énigmatique et contrevenant, à l’instar du dernier, au reste du film : un time lapse nocturne de Téhéran s’illumine peu à peu au levé du jour, les lumières clignotantes des éclairages publics disparaissent dans le brouillard du matin et les habitations en arrière-plan retrouvent leurs couleurs beiges passées. Sous un vernis de modernité, l’Iran apparaît toujours comme le même pays séculaire.